David Weber s'est en quelque sorte laissé dépassé par son univers, non pas d'un point de vue littéraire, mais
d'un point de vue affectif. En effet, il avait prévu, lors de l'écriture de son
premier roman de sa saga Honor Harrington,
en 1993, de mettre fin aux jours de son héroïne lors de la bataille finale qui clôt
Coûte que Coûte, poussant
le parallèle (totalement assumé et volontaire) avec l'Amiral Nelson à sa conclusion la plus logique. Mais, l'auteur, pris émotionnellement par son personnage, ainsi que de
peur de perdre une partie de son lectorat, ne peut se résoudre à tuer son personnage. C'est ainsi que non seulement Honor survit, mais, qui plus est, oblige l'auteur à repenser la
suite des aventures de son univers, et surtout à avancer dans le temps les événements mettant en scène le nouvel ennemi de Manticore, Manpower, initialementt prévus de se
dérouler une fois les enfants d'Honor adultes, ceux-ci devenant les nouveaux héros de sa saga. Finalement, les deux trames (la guerre contre Havre et celle contre Manpower) auront lieu
en parallèle, et forcément, mettront en scène d'autres personnage que ceux prévus à l'origine. D'où Michelle Henke et Aivars Terekhov, l'une étant
déjà apparue à de nombreuses reprises dans le cycle, et l'autre ayant fait ses débuts dans
l'ombre de Saganami.
Chose exceptionnelle dans l'œuvre de
David Weber,
l'ennemi dans l'ombre commence par revenir sur des événements
passés (décrits dans
Coûte que Coûte), mais cette fois-ci du point de vue de Michelle Henke.
Résultat, cette première partie un goût (cependant annoncé) de déjà vu. Qui plus est, comme dans tous les romans de la saga, l'auteur prend son temps pour
installer les pièces de son échiquier, en préparation de sa conclusion, que l'on imagine comme toujours très musclé, qui ne manquera pas de subvenir dans
le tome 2 de l'ennemi dans l'ombre. Car, faut-il le rappeler, la saga Harrington dans son ensemble est très bavarde,
laissant bien plus la place à la diplomatie, aux analyses d'état-major et autres réflexions politiques qu'à l'action pure et dure (phase qui ne sont pourtant pas
oublié, loin s'en faut), rendant par là-même ses histoires plus réalistes et crédibles. Les scènes de violence en prennent d'ailleurs une dimension plus forte
encore.
Il sera très dur, pour ne pas dire impossible, de prendre la saga en cours, tant tous les événements passés ont un impact sur le présent, la complexité des
rapports diplomatiques complexes entre grandes puissances étant extrêmement bien rendues, rendant cette saga incontournable pour tous les amateurs de science-fiction adulte.