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Le Portrait de Dorian Gray

Affiche du film


Titre original

The Picture of Dorian Gray

Synopsis

Londres, 1886. Lord Henry Wotton rend visite à son ami le peintre Basil Hallward lorsqu'il découvre le portrait d'un très beau jeune homme, également présent : Dorian Gray. Devant une statuette de chat égyptien, Dorian souhaite que le tableau vieillisse à sa place et qu'il conserve lui-même une éternelle jeunesse.

Genre

Fantastique

Année de production

1945

U.S.A.

Date de sortie en France

17 septembre 1947

Réalisateur

Albert Lewin

Musique

Herbert Stothart

Casting

Acteur
Photo
Rôle
George Sanders
George Sanders Lord Henry Wotton
Hurd Hatfield
Hurd Hatfield Dorian Gray
Donna Reed
Donna Reed Gladys Hallward
Angela Lansbury
Angela Lansbury Sibyl Vane
Peter Lawford
Peter Lawford David Stone
Lowell Gilmore
Lowell Gilmore Basil Hallward
Richard Fraser
Richard Fraser James Vane
Lumsden Hare Thornton
Moyna MacGill
Moyna MacGill La duchesse
Billy Bevan
Billy Bevan Malvolio Jones
Cedric Hardwicke
Cedric Hardwicke Le narrateur

 

Récompenses

Golden Globes Golden Globes
catégorie
Année
Gagnant
meilleure actrice dans un second rôle1946Angela Lansbury

 
Oscar Oscar
catégorie
Année
Gagnant
meilleure photographie en noir et blanc1946Harry Stradling Sr.

 
Le film fut aussi récompensé pour;
 meilleure adaptation en 1946 aux Hugo Awards.

Nominations

Oscar Oscar
catégorie
Année
Gagnant
meilleure actrice dans un second rôle1946Angela Lansbury
meilleure direction artistique1946Cedric Gibbons, Hans Peters, Edwin B. Willis, John Bonar, Hugh Hunt

 

 

Critique du Film

Note :

Sur le tournage du portrait de Dorian Gray

Beauté volée

Cette adaptation du roman homonyme d'Oscar Wilde n'est ni la première du Septième Art (il en est en fait la septième, la première étant à mettre au crédit de George Méliès, en 1899), ni la dernière. Elle est cependant sans aucun doute la plus connue, et certainement la plus réussie. Le fait que le scénario suive de près la trame du roman joue pour beaucoup dans la réussite du film, les quelques écarts s'expliquant soit par le besoin de rendre plus cinématographique une histoire prévue pour un autre média, soit (et c'est peut-être là le seul véritable reproche que l'on peut faire au film d'Albert Lewin) une adaptation pour les moeurs des spectateurs américains de cette période d'après guerre. Exit donc toute ambigüité sexuelle des personnages principaux (Dorian Gray, Lord Henry Wotton et Basil Hallward). Et surtout ajout de la rédemption par l'amour. L'âge des personnages aussi a été visiblement modifié, en particulier celui de Dorian et de Sybil Vane (qui, âgé de 17 ans à peine dans le roman -âge romanesque s'il en est- sont devenus visiblement adultes dans le film). La raison en est évidente : montrer des amours de mineurs à l'écran n'est pas envisageable au milieu des années 40.
Mais toutes ces modifications ne sont pas plus qu'un lissage pour plaire à la cible visée par le film, ce qui est tout à fait compréhensible, après tout, tant que l'esprit du roman n'est pas trahi et que le spectacle est réussi. Dans un cas comme dans l'autre le challenge sera réussi.

Dorian Gray (Hurd Hatfield) face à son portrait dans Le portrait de Dorian Gray, d'Albert Lewin

Le film est tourné en noir et blanc, comme la majorité des films de l'époque. Mais la raison n'est pas lié à des questions de coûts, mais bel et bien à un véritable choix artistique. Le noir et blanc symbolise bien mieux à la fois le mystère (en particulier celui des bas-fonds londoniens), et d'un autre côté la confrontation morale entre le bien et le mal, thème central du film. Preuve en est que ce choix est volontaire, le fameux portrait est quand à lui filmé en couleur. L'utilisation de la couleur est d'autant plus frappante lors des scènes finales, où le tableau montre la déchéance de Dorian Gray. Le paradoxe est plaisant: pour montrer la noirceur de l'âme de Dorian Gray, quoi de mieux que la couleur!
Le tableau à lui seul représenta une somme de travail considérable. A l'origine, sa réalisation fut confiée à deux frères, Malvin Marr Albright et Ivan Albright, le premier s'occupant du portrait dans sa version originelle, le second dans sa version diabolique. Le tableau de Malvin Marr Albright ne fut finalement pas retenu pour le film, amis finit au Art Institute of Chicago. Ce fut finalement Henrique Medina qui produisit le tableau tel que l'on peut le voir dans le film d'Albert Lewin.

la seule touche de couleur du portrait de Dorian Gray d'Albert Lewin

En ce qui concerne le casting, nombre de vedettes montrèrent leur intérêt pour le film. Pour incarner Dorian Gray se furent Robert Taylor, Gregory Peck et Montgomery Clift qui postulèrent. Même Greta Garbo voulut endosser la redingote du jeune dandy. Mais cela était totalement impossible, la censure n'aurait jamais permis un tel travestissement! Au final, ce fut un acteur de théâtre, alors totalement inconnu, qui obtint le premier rôle: Hurd Hatfield.
Pour jouer son mentor, ce fut le grand George Sanders qui fut retenu. Et le rôle lui va comme un gant. L'acteur, qui jouera dans sa carrière pour les plus grands, d'Alfred Hitchcock à Fritz Lang, en passant pas Cecil B. De Mille et Jean Renoir, trouve ici un rôle à sa mesure: charismatique, beau parleur, décadent, son personnage a de loin les plus belles répliques du film, pratiquement toutes tirées du roman d'Oscar Wilde.
Quand au premier rôle féminin, celui de Sybil Vane, il fut aussi très attractif pour les actrices de l'époque. Ainsi, Donna Reed, avant de recevoir le rôle de Gladys Hallward (personnage créé pour le film), désirait celui du premier amour de Dorian Gray. Elle fut d'ailleurs très déçue de ne pas obtenir le rôle. Ce sera la jeune Angela Lansbury (qui signe ici son deuxième film), déjà star, qui aura gain de cause aux yeux du cinéaste. Cerise sur le gâteau pour la jeune actrice, un Golden Globe! L'actrice poussera pour le film la chansonnette (elle était déjà réputée pour être une chanteuse talentueuse). Etrangement, pour les deux comédies musicales suivantes dans lesquelles elle jouera, les demoiselles de Harvey et The Hoodlum Saint (tous deux en 1946), elle sera doublée lors des parties chantées. L'une des principales modifications dues au script d'Albert Lewin tient au métier de la belle Sybil Vane. D'actrice de théâtre dans le roman elle devient chanteuse de cabaret dans le film. Un rôle à priori moins glamour, sauf lorsque l'on pense à la difficulté de faire passer à l'écran le principe de l'acteur jouant un acteur (et surtout un rôle d'acteur de seconde zone).

George Sanders et Hurd Hatfield dans le portrait de Dorian Gray

Mais ce qui différencie le plus le film du le roman, c'est sans aucun doute la fin du film, autrement dit la partie rédemption du personnage. Tandis que dans le roman, Dorian prend conscience de sa déchéance suite à la tentative d'assassinat loupée du frère de Sybil, James Vane, dans le film s'est l'amour qui le fait revenir dans le droit chemin. L'amour qu'il porte pour la belle et innocente Gladys (Donna Reed), le nouveau personnage. Ainsi, la morale est sauve, il y a une chance de rédemption, même pour les monstres comme Dorian. Evidemment, il ne survit pas à sa prise de conscience (on se serait alors par trop éloigné du roman), mais le principe est là: il aurait pu être sauvé. Dans le roman, par contre, sa peur de la mort n'est rien de plus qu'une preuve supplémentaire de l'égoïsme animant le personnage, le paradoxe étant que c'est justement sa peur de mourir qui va entrainer sa fin.
La mort du personnage de Sybil aussi est modifiée par rapport au roman. Tandis que dans le roman, elle se suicide suite à la fin de l'amour et de l'adoration que lui portait Dorian, lié à la perte de son talent artistique, dans le film, Dorian la quitte car elle cède à la tentation de la chair, et donc de la luxure (ce que lui même fera par la suite, mais cela n'a plus rien à voir!). On voit que même si le final est le même, la raison en est tout de même différente, montrant bien les différences liées non seulement à la culture (la fin du XIXème siècle contre le milieu du XXème) mais aussi au média.
Un changement qui ne s'explique pas par le changement de média est le surnom de Dorian. De Prince Charmant dans le livre il devient Sire Tristan dans le roman. Est-ce lié à la sortie en 1937 de Blanche Neige et les 7 nains, l'utilisation nom risquant de poser des problèmes juridiques avec Disney?

   
 


Conclusion

Cette adaptation du magnifique le roman d'Oscar Wilde, avec son budget de presque 2 millions de $ (dont 700 000 de débordement) est l'une des plus grandes réussites du genre difficile qu'est la transcription d'un roman à succès à l'écran.
Le respect de l'oeuvre de l'écrivain irlandais est indéniablement la. On retrouve même de très nombreuses phrases tirées non seulement du portrait de Dorian Gray mais aussi d'autres de ses oeuvres. Le nom de l'auteur est même cité dans le film.
Les acteurs, George Sanders et Angela Lansbury en tête, sont excellents dans les rôles qui leur sont confiés, et le cinéaste, Albert Lewin filme son histoire de façon éclairée, ne tombant jamais dans la facilité visuelle.

Un très grand film, dont la réputation n'est pas usurpée.

Affiche américaine du portrait de Dorian Gray


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