Un roman de
Thomas Day se reconnaît les yeux fermés (si tant est qu'il est possible
de lire les yeux fermés). Les ingrédients sont toujours les mêmes: Violence poussée à l'extrême (aussi bien des
actes que des sentiments), sexe le plus cru possible (et si possible le plus choquant possible), sens de l'honneur exacerbé, et format de roman
court.
Le trône d'ébène n'échappe pas à ce formatage.
Ainsi, les personnages principaux des romans de l'auteur sont toujours pratiquement interchangeables; en exagérant un peu on pourrait dire que seule
la couleur de peau change d'un roman à l'autre (blanc dans
la cité des crânes, asiatique dans
La voie du sabre et sa
suite
L'homme qui voulait tuer l'Empereur, et maintenant noir). En tout cas, le sexe est toujours d'une importance capitale pour ces personnages;
dans
Le trône d'ébène cependant, le sexe disparait au fur et à mesure du roman, mais chaque passage s'y rapportant
possède quelque chose de malsain (viol, inceste), et donne une impression d'omniprésence tout au long du roman.
En plus de ce rapport au sexe, on retrouve le goût de l'auteur pour les civilisations exotiques (Japon, Thaïlande, Afrique noire). Cet exotisme,
qui est en soi plutôt une bonne chose, a malheureusement tendance à tourner à la caricature, notamment à cause de l'utilisation
du fantastique qu'en fait l'auteur. Le fantastique est d'ailleurs le plus gros défaut de ce roman, qui ne sait pas trop sur quel pied danser
(récit historique, fantasy pure et dure?). De fait, le lecteur non plus ne sait pas trop sur quel pied danser. Bizarrement, cela fonctionnait
à merveille dans
La cité des crânes, et pas dans ce roman. La faute sans doute à l'utilisation d'un véritable
personnage historique, ainsi que de dates réelles. N'a pas le talent d'
Orson Scott Card
qui veut!
Une autre similitude forte entre les diffférents romans de l'auteur est le choc entre la civilisation européenne et indigène.
Déjà abordée dans
l'homme qui voulait tuer l'empereur et
L'Instinct de l'équarisseur (dans une moindre mesure), cette
confrontation est ici le centre même du roman, puisqu'il est ici question d'un africain qui se créé un empire pour lutter contre une
possible invasion des anglais, et, ce faisant, attire l'attention de l'Empire Britannique sur les zoulous, et entraine la guerre entre les deux pays.
Guerre qui se ferra attendre tout le long du roman, et qui n'arrivera finalement jamais, laissant le lecteur sur sa faim.
Le roman fait référence à de nombreux personnages historiques connus, comparant Shaka à des hommes comme Caligula,
Napoléon ou bien encore Alexandre le grand. C'est bien ce dernier qui ressemble le plus à l'Empereur zoulou, de part son désir
d'expansion guidé par les dieux (Alexandre se croyait d'origine divine et voulait plaire aux dieux en devenant l'Empereur grec du monde connu),
ainsi que par sa folie.
On retrouve aussi de nombreuses références mythologiques ou littéraires dans
le trône d'ébène, Shaka
étant un mélange entre le roi Arthur (au travers de son arme magique symbole de sa souveraineté) et Conan. Avec ce dernier les
similitudes sont tellement nombreuses que l'on pourrait se croire devant deux frères. Signalons seulement la grande force et la carrure
impressionnante, l'ascension sociale (de berger à empereur pour l'un, d'esclave à roi pour l'autre), ainsi que des aventures fantastiques
mettant en cause des sorcières, des monstres, voir des dieux. Même s'il y a plagiat,
Thomas Day reconnait volontiers s'être inspiré du héros de
R. E. Howard
(et qui a été immortalisé à l'écran par
Arnold Schwarzenegger).
On retrouve aussi l'apport d'un autre auteur de fantasy,
J.R.R Tolkien, au travers de
l'araignée géante qui ne peut pas de pas faire penser à Shelob dans
Le Seigneur des anneaux. Là encore, il est
difficile de dire si la récupération est volontaire, ou s'il s'agit seulement d'un hasard.
Même s'il grouille d'idées brillantes, ce roman laisse un goût amer dans la bouche, à cause de promesses non tenues (la
confrontation entre les anglais et les zoulous en particulier), ainsi que de trop nombreuses similitudes avec les précédents romans de
l'auteur, laissant à penser que
Thomas Day n'a plus rien à raconter. A moins que
ce ne soit qu'un passage à vide, surtout après de passionnant
la cité des crânes, de loin son meilleur roman à ce
jour.