Thomas Day est un auteur qui a toujours cherché à aller à l'essentiel dans
ses écrits. Il n'est jamais question chez lui de s'étaler sur des centaines de pages, il n'est d'ailleurs pas sans rappeler dans sa
façon de concevoir la littérature l'école anglo-saxonne, très friande de cours récits et de nouvelles.
Cette nouvelle, initialement parue dans le magazine Bifrost, dont
Thomas Day est l'un des
piliers, connaît en 2007 une sortie en format poche, lui permettant ainsi d'acquérir une certaine forme de reconnaissance. Là
encore, tout comme les plus grands auteurs américains, en particulier pendant l'âge d'or de la S-F, où les nouvelles sortaient
essentiellement dans les pulps. Ces magasines bons marchés n'étaient pas, contrairement à une certaine idée reçue,
une sous-littérature, mais bien le seul moyen à l'époque pour les écrivaines de S-F et de fantasy de publier leurs
écrits et se faire connaître. Les plus grands sont passés par là, de
H.P. Lovecraft à
Isaac Asimov, en passant par
Robert E. Howard ou bien encore
Robert Bloch.
Thomas Day reprend le mythe de l'intelligence artificielle, grande spécialité de
la Science-Fiction (de
Dan Simmons à
Arthur C. Clarke, tous les auteurs de
science-fiction se sont frottés un jour ou l'autre au sujet), et en le transplantant dans une créature de bois et de métal, automate
joueur d'échec, au XIXème siècle qui plus est, l'auteur apporte du sang neuf et une approche originale à ce grand classique.
Mélanger uchronie et intelligence artificielle est déjà en soit une idée très originale, et qui ouvre des
possibilités énormes. Mais l'auteur ne s'arrête pas là, ajoutant une dose d'alchimie (très bonne idée,
l'ésotérisme et le spiritisme étant alors des sujets à la mode), au travers du troisième fils de Viktor Hauser, le
premier étant bien entendu l'automate, et le second, encore une preuve de l'intelligence de l'auteur, Kaspar Hauser, l'enfant perdu de
Nuremberg, véritable enfant sauvage ayant été découvert et ayant défrayé la chronique à cette
période.
Rappelant fortement l'auteur allemand
Ernst Theodor Amadeus Hoffmann et son
Homme au sable, ainsi que
Confessions d'un automate mangeur d'opium de
Fabrice Colin et
Mathieu Gaborit, cet
automate de Nuremberg s'intéresse
évidemment au rapport de l'homme à la religion, et à l'existence de l'âme, ainsi bien entendu que sur la définition
de la vie (parler d'I.A. dans aborder ses thèmes est pratiquement un non-sens), et le traite de façon très intelligente.
Le mélange des genres (mystère réel, spiritisme et science-fiction) fait de cette longue nouvelle (une grosse centaine de pages)
une réelle bonne surprise, surtout de la part d'un auteur souvent trop extrême dans ses traitements. Etrangement, alors que les romans
de
Thomas Day paraissent souvent trop long (et ce même s'ils sont courts), cette
histoire aurait mérité d'être plus longue, tant les thèmes abordés sont nombreux et brillamment traités.
Cet écrit est fait pour tous ceux qui doutent encore de la qualité d'écrivain de
Thomas Day!