Joseph Conrad est un auteur majeur de la première moitié du XXème siècle. Mais lorsqu'il
s'attèle à l'histoire de cet
agent secret, il n'est en quelque sorte pas dans son élément. Cela ne l'empêchera pas (bien au contraire) à
s'intéresser avant toute chose aux motivations profondes des anarchistes et autres terroristes. A tel point que des policiers, experts en recherche et analyse de ses dangereux
personnages, croiront que
Joseph Conrad avait été en contact avec certaines personnes de ce milieu. Mais il
n'en est rien, l'auteur ayant tout bonnement cherché à comprendre ce qui pouvait pousser un homme à commettre de tels actes barbares. Les personnages du roman
l'agent secret sont en effet très crédibles, et si M. Verloc en devient humain (quoique mentalement dérangé, il faut bien le reconnaître), ses
actes en gagnent paradoxalement en monstruosité. Car, si la motivation de l'homme apparaît avant tout comme financière, les morts (potentiels, puisque l'attentat foire
lamentablement), eux, sont bien réels. Et les hommes qui tirent les ficelles, de hauts diplomates étrangers, en deviennent les vrais monstres.
Le récit se concentre sur une poignée de personnages (M. Verloc, sa femme, son beau-frère, l'enquêteur Heat, son supérieur, ainsi que quelques anarchistes
proches de M. Verloc), et devient vite un drame familial là où les commanditaires voulaient y voir une catastrophe nationale.
Intéressante idée de base (surtout qu'il s'inspire d'un fait divers, la tentative avortée d'attentat contre l'Observatoire de Greenwich de 1894), mais traitement par
trop morcelé, où le personnage de point de vue change bien trop souvent, le lecteur perdant le fil conducteur de l'histoire: Est-ce l'histoire de M. Verloc, pris entre ses
remords et sa peur de M. Vladimir, le commanditaire? Est-ce l'histoire des enquêteurs, partis sur la trace de l'identité du terroriste? Est-ce l'histoire de Mme. Verloc, qui
vit avec un terroriste en puissance et qui l'ignore? Sans doute est-ce un mélange de tout cela, avec une pointe de traitement social par dessus tout cela (les riches et les puissants
commandent, les pauvres subissent et meurent, et ce pas seulement en temps de guerre). Mais le lecteur, lui, ne sait pas très bien où sa placer par rapport à ce
récit, et son plaisir de lecture en pâtit légèrement.
Alfred Hitchcock en a fait une adaptation libre en 1936 dans son film (période britannique)
Agent Secret. L'accident dramatique coutant la vie à l'innocent enfant dans le film
d'
Alfred Hitchcock est une séquence d'anthologie, au suspense totalement maîtrisée, qui sert
encore de référence aujourd'hui.