Ainsi parlait Zarathoustra est une œuvre phare de la philosophie moderne, ni plus ni moins. Alors même que l'auteur, Friedrich Nietzsche, fut obligé de sortie à compte d'auteur le dernier des trois chapitres de son poème. Etait-il en avance sur son temps?
Le contenu de cet essai philosophique sous forme de poème est d'une richesse rare. C'est bien simple: il est tout bonnement impossible de comprendre le texte en se contentant de le lire! Non seulement car les idées sont nombreuses et complexes, mais aussi parce qu'elles remettent en cause pratiquement toute notre éducation et notre compréhension du monde. L'être humain, avec la notion nietzschéenne de surhomme (qui n'a strictement rien à voir avec le mythe aryen que la nazisme a récupéré de l'auteur), reprend ainsi sa place, ou plutôt doit reprendre sa place, car pour Nietzsche il y a encore du chemin à faire, un chemin que chacun doit faire seul.
Dieu, quand à lui, reçoit sous la plume de Nietzsche un coup qui lui est pratiquement fatal (Dieu est mort dira Zarathoustra, s'adressant à demi mot au dieu ressuscité), et qui créera le mouvement nihiliste auquel nombre de philosophes et penseurs actuels adhéreront à la suite. Ainsi parlait Zarathoustra est d'ailleurs, et ce jusque dans la forme, une diatribe contre la religion et plus encore contre les prêtres (il faut d'ailleurs ses souvenir que Friedrich Nietzsche avait dans sa jeunesse envisagé de devenir pasteur. Avec Darwin, du côté de la science, Nietzsche, quand à lui du côté philosophique, doit être considéré comme celui qui a fait le plus de mal à Dieu (aux dieux).
L'Etat est lui aussi la cible de l'auteur, qui dénonce le totalitarisme et en même temps la déshumanisation des états, sentant avec des années d'avance l'avenir de l'Europe du XXème siècle.
L'Eternel retour, thème majeur d'Ainsi parlait Zarathoustra, qui se rattache au nihilisme et à la mélancolie nietzschéenne, qui mériterait à lui seul un essai complet, met en avant une philosophie de vie nouvelle, que l'auteur envisage non seulement comme une alternative à dieu, mais aussi comme un pilier de pensée humaniste, qui seul pourrait mener au surhomme (et que l'on retrouvera chez Frank Herbert et sa saga de science-fiction philosophique Dune sous la forme du Sentier d'Or).
 
Si Ainsi parlait Zarathoustra est déjà d'une richesse pratiquement inépuisable, l'auteur envisageait d'écrire un quatrième chapitre à son roman. Mais, par manque d'inspiration et de temps, il ne l'écrira jamais. Tout au plus sait-on qu'il envisageait de faire se suicide son héros, qui se serait jeté dans l'Etna.
 
L'une des grandes forces d'Ainsi parlait Zarathoustra est sa forme. Ecrit avec des mots simples (mais toujours choisis avec soin), le livre de Friedrich Nietzsche peut être lu par tous; nul besoin en effet de connaissances étymologiques poussées (ou alors d'un dictionnaire). Le lecteur peut (et doit) se concentrer sur le contenu. De plus, en prenant la forme d'une parabole prophétique, le livre s'inspire (et plagie volontairement) les livres saints, l'une des principales sources visées par l'auteur. Un petit peu comme s'il combattait ses ennemis sur son propre terrain.
 
Mots simples, idées profondes, tel pourrait être résumé cet œuvre majeure de la littérature mondiale, qu'il faut avoir lu pour comprendre Freud, Heidegger, Sartre, Camus, et de façon générale, la philosophie du XXème et XXIème siècle.