Les enfants de Dune est la suite du
Messie de Dune, et clôt le premier
cycle de Dune (le cycle original, et seul initialement prévu par
Frank Herbert).
Tandis que le premier livre,
Dune, montrait la victoire de pensées philosophiques et
politiques vertueuses, le
second voyait ses mêmes idées
déformées, aboutissant sur l'exact inverse des intentions initiales de Paul Muad'Dib. Le troisième et dernier volume voit donc
les héritiers de Paul (contrairement, ses enfants d'un côté, et sa soeur de l'autre), suite à la soi-disant mort de celui-ci,
se battre pour imposer leur vision de l'Empire. D'un côté, nous retrouvons la bureaucratie religieuse qui déforme toute pensée
pour la faire correspondre à leur propre vision (et surtout à leur propre avantage). De l'autre, une tentative de nouvel équilibre
social, politique, et pourquoi pas, religieux. L'auteur nous fait clairement comprendre les problèmes que posent les deux grandes façons de
penser le gouvernement (ce qui correspond ni plus ni moins aux deux grandes tendances actuelles dans notre monde réel): D'un côté, un
gouvernement dirigé par des économistes (l'empire de Shaddam tel qu'il apparaît dans
Dune). De l'autre, un gouvernement d'ordre religieux. Dans les deux cas, cela ne peut aboutir
qu'à une seule chose: le chaos. La seule façon de changer les choses, et ce quel que soit le type de gouvernement en place, est le
même: la révolution. Dans le premier roman, c'est Muad'Dib qui, sur des bases de bonnes intentions, renverse le gouvernement en place, et
cherche à imposer par la force sa vision de l'équilibre. Vision, qui se trouve être symbolisée dans le roman par sa
préscience. Dans
les enfants de Dune, ce sont les jumeaux Atréides, Leto et Ghanima, qui, de façon plus subtile, vont
chercher à s'emparer d'un pouvoir qui en théorie leur échoit naturellement. Eux aussi, et plus particulièrement Leto,
vont chercher à imposer leur vision par la force. Comme si
Frank Herbert nous
disait: "seul un tyran peut changer les choses". Un tyran, oui, mais par n'importe que tyran: un dont le but est de mettre en place un avenir radieux
pour l'humanité (le Sentier d'Or de Leto), quitte à se sacrifier lui-même (la transformation de Leto).
La déification du chef est d'après l'auteur à bannir, et mieux vaut un chef détesté et incompris, mais agissant pour le bien,
qu'un chef vénéré mais diabolique. Le parallèle avec des dictateurs comme
Adolf Hitler est clair et indéniable.
Chaque victoire porte en soi sa propre défaite, nous dit aussi l'auteur. Aussi bien Paul, qu'Alia, et même Leto, se retrouvent
enfermés dans leurs propres victoires. Alia est bien sur l'exemple type du dictateur diabolique mais adulé des foules (en tout cas à
première vue), dont le reversement est nécessaire pour la survie de la nation (de l'humanité chez
Frank Herbert).
L'auteur nous rappelle aussi une chose qu'il est parfois facile d'oublier: nul nation, nul gouvernement n'est éternel. Les changements arrivent,
qu'ils soient bien ou mal.
Un autre sujet sous-jacent à tout le cycle est bien entendu l'écologie, qui dans ce roman encore montre les effets de l'humanité
sur son environnement, qui en puisant dans les ressources sans réfléchir au lendemain, se retrouve un jour acculé à la
catastrophe. Celle-ci peut-être économique, sociale, ou bien écologique. L'Epice, tout comme le pétrole, va venir à
manquer, et alors l'humanité souffrira. Cela ne se produira pas demain, mais très prochainement. Dans
les enfants de Dune, tout
comme dans notre monde, cela semble lointain. Tellement lointain que personne ne semble y faire attention. Jusqu'au jour où il sera trop tard.
Bien avant la vague écologique qui touche notre société aujourd'hui,
Frank Herbert
pointait déjà du doigt ce problème. Et il frappait très juste, le pétrole (et tous ses dérivés)
étant le principal problème écologique aujourd'hui. Les sacrifices sont nécessaires, à tous les niveaux, pour
arriver à endiguer ce problème majeur pour notre avenir. Changer est la seule solution. Dans le roman, cela passe par la transformation de
Leto, mais dans notre monde, il n'est pas question d'un tel changement. Déjà, un changement de mode de vie pourrait suffire. Mais ce
changement doit être effectif à tous les niveaux.
Ce roman est très verbeux, mais il est d'une telle densité thématique que le lecteur méritant (car se genre de roman se
mérite) ne verra pas les pages défiler sous ses yeux. Et le lecteur en sortira grandi, en tout cas s'il fait l'effort de
s'intéresser aux idées véhiculées par ce roman, qui possède plusieurs niveaux de lecture.
Conçu comme un seul récit, les trois romans que sont
Dune,
le Messie de Dune et
les enfants de Dune est un des cycles majeurs de la
science-fiction moderne, offrant à la fois une histoire passionnante et matière à réflexion sur des sujets aussi sensibles
que le pouvoir, la religion ou bien encore l'écologie. Un must à lire absolument, que l'on aime la science-fiction ou pas!
Une saga qu'il est conseillé de lire plusieurs fois dans sa vie, à différentes périodes, chacune ouvrant les yeux sur de
nouvelles idées et thèmes cachées au sein de l'un des romans de science-fiction les plus riches jamais écrits.