Le Rôdeur devant le seuil, quoique souvent présenté comme un roman d'
H.P. Lovecraft, est avant tout à mettre
au compte d'
August Derleth. En effet, si le
reclus de Providence a écrit
quelques 1200 mots sur ce récit,
August Derleth en a quand à lui écrit 50 000. D'ailleurs, pour rappel,
Lovecraft était plutôt un spécialiste de la nouvelle, et non du roman, ses histoires étant bien plus adaptées
à ce format.
August Derleth, proche ami de
Lovecraft (et ce même si les deux hommes ne
se sont jamais vus de leur vie), a non seulement œuvré à faire connaître le travail de son ami, mais, à sa mort, a repris l'univers et la mythologie
Lovecraftienne et a, en quelque sorte, continué son œuvre. D'autres auteurs ont fait de même, dont
Robert Bloch et
Brian Lumey.
Le Rôdeur devant le seuil s'inscrit totalement dans cette mouvance, puisque l'on retrouve l'univers angoissant de
Lovecraft, avec
ses créatures extra-terrestres et sa mythologie si remarquable et originale; mais aussi son mode de narration et ses personnages types. A savoir un style épistolaire, où les
héros répondent tous au même archétype, à savoir un homme, entre deux âges, vivant seul, aisé, intelligent, cultivé, et qui se retrouve
confronté à des horreurs indicibles dépassant l'imagination. Mais si
Lovecraft était d'un pessimisme et d'une
noirceur absolue dans ses écrits,
August Derleth, en raison de sa forte imprégnation chrétienne, tempère quelque peu les
idées de son maître à penser, et offre un pendant plutôt positif aux terribles Grands Anciens, les Anciens Dieux. De même, le professeur Seneca Lapham, qui vient
conclure cette histoire en trois manches, apparaît, en tout cas vis à vis des personnages typiquement
Lovecraftiens, comme trop
au fait des choses de l'autre monde, et bien trop actif (et efficace) pour atteindre le niveau horrifique des nouvelles de son illustre prédécesseur.
Lovecraft a souvent été critiqué pour son style ampoulé, lourd, exagéré (d'ailleurs, dans tous les
cours d'écriture,
Lovecraft est cité comme l'exemple à ne pas suivre stylistiquement parlant, et ce même si, dans
son cas, cela fonctionne à merveille).
August Derleth fait preuve quand à lui d'un style plus neutre. Et c'est sans surprise
que les fans de Cthulhu et des ses frères découvriront que nul ne peut dépasser le maître. L'une des raisons est sans doute que
Lovecraft, à la façon d'un
R.E. Howard, se sentait contraint d'écrire, comme pour évacuer ses peurs les
plus primales (et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il en avait).
le rôdeur devant le seuil est, on ne peut le nier, prenant, et ne pourra que plaire aux fans du mythe de Cthulhu. Il peut même parfois s'avérer terrifiant, sans jamais
toutefois atteindre les sommets des meilleurs pages de
Lovecraft. Mais, de tous les écrits inspiré par le
reclus de Providence, ce
rôdeur fait sans conteste partie du haut du panier.