Dans les années 1980, Randy "The Ram" ("Le Bélier") Robinson était une star du catch professionnel, mais il est peu à peu redescendu de son Olympe. Pendant un match sans envergure, il endure une crise cardiaque ; un médecin lui explique qu'un autre combat lui serait fatal. Il décide alors de se ranger définitivement, prend un petit boulot dans la restauration, s'installe avec une strip-teaseuse vieillissante et tente de se lier avec le fils de cette dernière. Mais la perspective d'un dernier affrontement avec son plus grand adversaire, l'Ayatollah, se présente à lui.

Catch Attack
 
L'ambition première de Darren Aronofsky était de réaliser un film que l'histoire du catch aux Etats-Unis. Mais cette envie était incompatible avec le budget très serré disponible (seulement 6 000 000 de $). Un classique pour le cinéma indépendant. Darren Aronofsky revoit donc sa copie, et avec l'aide du scénariste Robert D. Siegel se tourne vers une histoire plus intimiste, celle d'un ex champion de catch, Randy le Bélier, un homme qui vivote entre matchs de seconde catégorie et petit boulot minable, le tout sur fond de problèmes familiaux (une fille qui a coupé les ponts et une vie amoureuse au point mort). Bref, l'envers d'un décor qui fait rêver (en particulier les américains, grands amateurs de catch).
Le tournage du film s'étendra sur à peine une quarantaine de jours, dans des décors naturels, et marquera le grand retour d'une ex-star tombé en disgrâce: Mickey Rourke.
 

 
Si aujourd'hui il est impossible d'imaginer The Wrestler sans Mickey Rourke, l'acteur a bien failli ne pas avoir le rôle, puisqu'à l'origine c'était Nicolas Cage qui devait tenir le rôle de Randy le Bélier. Mais Darren Aronofsky de finalement lui préférer le héros de 9 semaines et demie. Il faut dire que rarement un acteur aura autant été en phase avec son personnage; tout au plus peut-on citer récemment Robert Downey Jr et son personnage de Tony Stark dans Iron Man.
Même si l'acteur a le physique de l'emploi (un visage démoli par les excès, un corps musclé), cela n'est pas suffisant pour rendre crédible son personnage. Pour cela l'acteur se met à la musculation intensive pendant six mois, avec au final un gain de près de quinze kilos. De plus, désireux de tourner un maximum de scènes de catch en personne, il suit un entraînement auprès d'Afa Anoa'i, un ex catcheur pro devenu entraîneur (y compris pour de grosses vedettes de la WWE, comme par exemple Battista). La transformation est stupéfiante.
Mickey Rourke se donnera à fond dans son personnage, allant jusqu'à se couper en vrai avec une lame de rasoir sur un ring pour "faire comme les pros". Car, même si le catch est, on le sait tous, truqué, les catcheurs ne s'en donnent pas moins à 100%, mettant bien souvent leur santé en jeu. Un fait que montre parfaitement le film de Darren Aronofsky.
Les critiques ne se tromperont d'ailleurs pas sur la performance de Mickey Rourke, puisqu'il recevra pour ce film une nomination aux Oscars (la première de sa carrière), et repartira avec un Golden Globe et un B.A.F.T.A.
 

 
L'histoire racontée dans The Wrestler s'inspire de véritables catcheurs. Ainsi, le rapport conflictuel entre Randy et sa fille est tirée de la vie de Jake "The Snake" Roberts, une des grandes stars de la WWF (ancien nom de la WWE), dans les années 80. On retrouve aussi du Hulk Hogan dans Randy, en particulier dans sa façon de s'habiller sur le ring, ainsi que sa chevelure blonde (même si Hulk Hogan n'est pas le seul à répondre à ses critères, aucun ne possède son aura). Quand à la technique de combat employée par Mickey Rourke dans le film, il faut aller chercher du côté d'un autre catcheur vedette des années 80: Randy "Macho Man" Savage. En particulier le saut qu'effectue Mickey Rourke depuis la troisième corde dans le film est du pur Randy Savage.
D'autres éléments dans le film font directement références à de vrais lutteurs, ainsi quà des événements liés au monde du catch. Ainsi, le climax du film, le combat entre Le Bélier et l'Ayatollah est un hommage à un match mythique des années 80, celui opposant Hulk hogan et Iron Sheik, le match qui a fait d'Hulk hogan la star qu'il est aujourd'hui. Toujours dans la catégorie référence, on retrouve dans la caravane de Randy de nombreuses photos censés le représenter lors de ses heures de gloire; ce sont en fait des photos de Lex Luger, une grande star de la WWF au début des années 90.
Qui plus est, le film offre des caméos à de très nombreux catcheurs, tout au long du film, d'Ernest Miller (qui joue l'Ayatollah), à Ron Killings, en passant par Dylan Keith Summers (alias le Necro Butcher), et bien d'autres encore. Et la WWE de se joindre à la fête en organisant en partie la promotion du film, en créant des events autour de Mickey Rourke, et impliquant des stars de la compagnie, Chris Jericho et Ric Flair notamment.
 

 
Pour son film, Darren Aronofsky s'éloigne de son style habituel, un style marqué par des prises de vue originale (Requiem for a dream, la caméra étant pratiquement un personnage à part entière (Pi), accompagné d'un montage très cut et ne bande son tonitruante. Ici rien de tout cela, la caméra étant au contraire très sobre, avec une prise de vue façon documentaire (même si cela est devenu la grande mode ces dernières années, ici ce style de prise de vue est totalement adapté), et un minimum de plans par scène. Les acteurs sont ici au centre de toutes les attentions. Souvent filmées de dos (une façon de les suivre dans leur calvaire quotidien, en particulier lors de l'entrée sur scène de Marisa Tomei dans sa boite de striptease ou lorsque Mickey Rourke va travailler dans un supermarché où il n'est pas à sa place), presque à leur insu. Darren Aronofsky a aussi tenu à laisser ses acteurs improviser un maximum, pour plus de véracité, quitte à faire intervenir de parfaits amateurs dans ses scènes (comme par exemple lorsque Mickey Rourke sert ses clients dans son stand). Une façon là aussi de tirer le meilleur de ceux-ci.
Quand à la musique, elle joue toujours un rôle primordial dans les films de Darren Aronofsky. Toujours confié à son fidèle Clint Mansell, le score de The Wrestler s'éloigne des précédents travaux du compositeur, qui livre ici un œuvre plus "classique", en tout cas moins expérimentale que sur Requiem for a dream pour ne citer que le plus connu des collaborations entre les deux hommes. Et pour jouer les pistes de guitare le compositeur fait appel à Slash, l'ex guitariste de Guns'N Roses. Guns'N Roses que l'on entend (comme nombre de groupes de hard rock des années 80) dans la bande son du film. Axl Rose, le leader du groupe a d'ailleurs autorisé Darren Aronofsky à utiliser gratuitement l'une des leurs chansons, Sweet Child O Mine, le film n'ayant pas les moyens de s'offrir les droits de la chanson. Pour la petite histoire, cette chanson était utilisée quelques années auparavant par Mickey Rourke lorsque ce dernier boxait, lors de ses entrées sur le ring. Enfin, Bruce Springsteen a composé la chanson titre du film, et avec ce titre, il remporta le Golden Globe de la meilleur chanson originale.
 

 
Le film se termine sur un grand combat entre Randy le Bélier et son ennemi, l'Ayatollah. Mais loin d'être filmé façon climax de films de sport (avec tout ce que cela peut représenter de plus sirupeux et prévisible), cette fin est conçue comme une véritable conclusion à l'histoire de Randy, une histoire qui se termine sur un fondu au noir, un fondu qui s'éternise et laisse le spectateur face à son interprétation. La plus évidente étant bien entendu la mort d'un homme qui ne pouvait trouver de vie que sur le ring. Mais pourquoi pas ne pas envisager la possibilité qu'au contraire, ce ne soit "que" la fin de sa carrière, Randy acceptant, en même temps que la victoire, de regarder ses problèmes personnels en face (Cassidy et Stephanie) et de les régler.
Le film fit sensation, en particulier au festival de Venise, remportant le prestigieux Lion d'Or, là où son précédent film, The Fountain, avait fait chou blanc.
 
Si vous avez aimé The Wrestler, vous aimerez aussi:
 

 
Non, The Wrestler n'est pas le Rocky du catch! Le film de Darren Aronofsky est un véritable drame humain, où le caractère sportif (et over the top) du personnage n'est là que pour exacerber les faiblesses et les malheurs, un homme qui a sacrifié sa vie sur l'autel de la réussite professionnelle, au point d'abandonner sa famille, et de ne pouvoir trouver un semblant de réconfort qu'auprès des stripteaseuses.
Darren Aronofsky abandonne ses prouesses visuelles (c.f. requiem for a dream et The Fountain) pour son concentrer sur son personnage principal, campé par un Mickey Rourke transcendé par son rôle. Pour l'acteur The Wrestler est le film de la résurrection, et pour son réalisateur celui de la consécration.