Même si
Elric est de loin le personnage le plus connu de l'écrivain
britannique
Michael Moorcock, il n'est point le premier à être sorti de
l'imagination florissante de l'auteur. Erekosë, Champion Eternel, tout comme l'albinos porteur de l'Epée Noire, a fait ses débuts sous
la plume
Moorcock quelques années auparavant. Incarnation par excellence du Champion
Eternel (thème central de toute l'oeuvre de l'auteur), puisqu'il est le seul à se souvenir de toutes ses précédentes incarnations
(dont
Elric,
Corum ou bien encore
Hawkmoon ne sont que quelques visages),
Erekosë (de son vrai nom, car premier, John Daker) se voit donc forcé par le destin à lutter pour l'éternité contre les
forces de la Loi et du Chaos, tout cela au nom de la Balance Cosmique.
Tous les thèmes cher à
Michael Moorcock sont déjà présents,
comme le multivers, la destiné, l'amour impossible, la trahison, et la solitude. Tout comme
Elric,
Erekosë entrainera la chute de sa race (dans ce cas, la race
humaine), tout cela par amour. D'ailleurs, chez l'auteur, les hormones jouent un rôle primordial, tant les héros moorcockiens déchainent
des catastrophes à cause du beau sexe; ici, la beauté d'une femme (toujours blonde, et au final manipulatrice et froide) forcera notre
héros à prêter serment de détruire une race entière, serment qu'il trahira pour détruire une autre race. La femme
diaboliquement belle apparaît dans deux des trois romans de ce cycle (
Le champion éternel, et
Le dragon de l'épée),
avec toujours les mêmes caractéristiques: belle, jeune, blonde, vierge (enfin, avec toutes les apparences de la virginité), et
finalement hautaine, égoïste et pétrie d'ambition (l'une d'elle désire même devenir l'égale d'une déesse).
D'autres thèmes récurrents sont fortement présents dans cette compilation des aventures du héros Eternel, comme par exemple
l'adulation par les foules du héros, vu comme beau, fort, noble, courageux, connu pour être le sauveur de l'humanité, etc, etc,... A
croire que l'auteur libère tous ses fantasmes de pouvoir au travers de ses romans. A cela s'ajoute l'abondance des esclaves dans toute l'oeuvre de
l'auteur, pratiquement toujours au service du héros (qui, même s'il vient du XXème siècle, considère cela comme tout à fait
normal). Il est dès lors normal de se poser des questions sur l'ego de l'auteur, se libérant via l'écriture de toutes ses frustrations
(
Michael Moorcock avait la trentaine lors de l'écriture des deux premiers volumes de
ce cycle, et peut-être ses hormones le travaillaient-elles?).
L'histoire d'Erekosë (bien qu'il ne porte ce nom que dans le premier livre,
Le champion éternel, est racontée à la
première personne. Cette implication du lecteur dans l'histoire rattrape le manque de charisme flagrant du personnage, de loin le moins
intéressant de tous les Champions de l'oeuvre de
Michael Moorcock. Si l'on ajoute à
cela des personnages souvent très caricaturaux, on comprend pourquoi ce cycle est considéré comme le moins bon de l'auteur.
Son talent explose par contre dès lors qu'il faut créer des mondes. Il s'agit de loin de la plus grande force de l'auteur, son style
étant quand à lui un petit peu trop systématique, et sentant par moment trop la technique d'écriture pour être
honnête.
En dehors des différentes incarnations de John Daker qui seront abordés tout au long de la carrière de l'auteur
(
Elric,
Corum,
Hawkmoon), il est amusant de retrouver le Comte Von Bek,
qui joue dans
Le dragon de l'épée un rôle primordial, et qui aura ensuite le droit à sa propre saga.
Presque décevant, ce
Cycle d'Erekosë marque cependant les débuts du concept le plus important de l'oeuvre prolifique d'un des
auteurs majeurs de la Fantasy actuelle.