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Mangez-le si vous voulez


 


 
Mangez-le si vous voulez, chez Julliard

Auteur

Jean Teulé

 

Genre

Drame Historique
 

Année de sortie

2009
 

Résumé


 
Nul n'est à l'abri de l'abominable. Nous sommes tous capables du pire ! Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune périgourdin, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin. C'est un jeune homme plaisant, aimable et intelligent. Il compte acheter une génisse pour une voisine indigente et trouver un couvreur pour réparer le toit de la grange d'un voisin sans ressources. Il veut également profiter de l'occasion pour promouvoir son projet d'assainissement des marais de la région.
Il arrive à quatorze heures à l'entrée de la foire. Deux heures plus tard, la foule devenue folle l'aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé. Comment une telle horreur est-elle possible ? Comment une population paisible (certes angoissée par la guerre contre l'Allemagne et sous la menace d'une sécheresse exceptionnelle) peut-elle être saisie en quelques minutes par une telle frénésie barbare ? Au prétexte d'une phrase mal comprise et d'une accusation d'espionnage totalement infondée, six cents personnes tout à fait ordinaires vont pendant deux heures se livrer aux pires atrocités. Rares sont celles qui tenteront de s'interposer. Le curé et quelques amis du jeune homme s'efforceront d'arracher la malheureuse victime des mains de ces furieux et seule Anna, une jeune fille amoureuse, risquera sa vie pour le sauver.
Incapable de condamner six cents personnes d'un coup, la justice ne poursuivra qu'une vingtaine de meneurs. Quatre seront condamnés à mort, les autres seront envoyés aux travaux forcés. Au lendemain de ce crime abominable, les participants hébétés n'auront qu'une seule réponse : "Je ne sais pas ce qui m'a pris."
Avec une précision redoutable, Jean Teulé a reconstitué chaque étape de cet atroce chemin de croix qui constitue l'une des anecdotes les plus honteuses de l'Histoire du XIXe siècle en France.


 

 


 

Avis

Note : 3/5 3/5 3/5 3/5 3/5
 
Jean Teulé, son roman à la main Tirée d'une histoire malheureusement véridique, mangez-le si vous voulez est une chronique, relatant les minutes de ce véritable chemin de croix que subira le jeune et innocent Alain de Monéys, qui, a la suite d'un malentendu, verra une foule se déchainer sur lui, l'humiliant, le torturant, le brûlant, puis le dévorant, et ce devant une minorité incapable d'empêcher ce drame. Au delà des horreurs que subit le pauvre Alain, c'est peut-être au travers des vaines tentatives des quelques rares personnes ayant gardé leur sang-froid que Jean Teulé est le plus efficace; entre un curé ouvrant sa réserve afin de saouler les hommes et femmes ivres de sang, dans le but de les détourner de leur folie, entre une jeune fille amoureuse du supplicié s'offrant à un des bourreaux là aussi dans le même but, ou bien encore ses amis cherchant à mettre leur camarade à l'abri de la vindicte populaire, l'impuissance d'un petit nombre face à la rage d'une foule, impossible à arrêter, est poignante.
Extrêmement détaillé dans les sévices infligés à Alain, le roman aurait pu sombrer dans le simple torture porn version littéraire. Cela n'est heureusement pas le cas, car l'auteur, avec sa plume caustique et humoristique, distancie le récit du drame, comme si cela était un cauchemar. D'ailleurs, cela est bien en phase avec le ressenti des coupables, qui, le lendemain de l'un des crimes les plus odieux qui soient, auront l'impression de se réveiller, comme d'un rêve, ou bien comme à la suite d'une orgie alcoolique.
S'il faut comprendre une chose de ce roman, c'est bien qu'une foule se comporte de façon autonome, comme si les personnes la composant n'avaient plus d'identité propre, la foule n'étant guidée que par des instincts primaires (peur, haine, violence,...), l'intelligence relative de la foule étant inférieure à l'intelligence des individus pris à part. Ce phénomène est d'ailleurs bien connu des sociologues, et est même mesurable scientifiquement. En particulier l'effet d'impunité que donne la foule peut entraîner, comme c'est le cas ici, des débordements de violence qu'un individu n'aurait jamais eu en temps normal. De même, il est très difficile d'arrêter une foule en marche, en particulier lorsque l'on n'est pas préparé.
Conçu comme un parallèle de la Passion du Christ, le roman de Jean Teulé suit, au travers de scénettes toutes plus insoutenables les unes que les autres, les derniers moments du jeune homme. Comme le chemin de croix de Jésus dans la tradition catholique, chaque nouvelle séance de torture est présentée en début de chapitre par un plan, montrant le cheminement d'Alain au travers du village, qui commence à l'entrée de celui-ci pour se terminer à sa sortie, pour la dernière scène.... Et qui parle de dernière cène parle forcément du sang et du corps du christ. Ici le sang est représenté physiquement par le sang du malheureux bien entendu, et symboliquement par le vin de messe, l'un étant le pendant salvateur de l'autre. De même pour la chair, entre celle su supplicié qui finira dévorée par ses semblables, et celle d'Anna, offrant sa chair en offrande à l'un des bourreaux. Là, la symbolique mort/vie est encore plus flagrante. D'ailleurs, dans la religion chrétienne (mais cela est vrai dans nombre d'autres religions au travers le monde), le cannibalisme fait partie des tabous les plus forts et inviolable qui soient.
 
Même si le roman est riche en détails, la réalité historique, telle qu'elle est connue aujourd'hui, est légèrement différente de celle présentée par Jean Teulé (ce qui, dans le cadre d'un roman, est en fait acceptable). Pour en savoir plus sur ce drame horrible, il est conseillé de lire Le village des cannibales d'Alain Corbin, qui a d'ailleurs servi de support documentaire à Jean Teulé pour l'écriture de son roman.
 
Mangez-le si vous voulez est un roman qui se lit très rapidement (il est plutôt court), mais qui peut choquer certaines personnes, de part ses descriptions et ses scènes de violence, d'autant plus si l'on pense que ces faits se sont réellement produits. Si l'on fait abstraction de ses débordements gore (cependant absolument nécessaire au vu du sujet), le roman en manque pas d'humour (noir, bien entendu) et a tendance à marquer le lecteur. On est cependant en droit de se demander quel est l'intérêt d'un tel roman, en particulier par rapport à un récit véritablement historique, et donc moins romancé, des événements de cette journée noire.

 

 


 
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