Dernier tome de la trilogie des
héritiers de l'Empire, ce volume (le plus volumineux de la saga) est aussi le moins réussi. Non
par manque d'idées (loin s'en faut), mais par un détachement du lecteur vis à vis de ces personnages de point de vue. Le fait
de transférer le premier rôle de Colin Mac Intyre à ses enfants Sean et Harriet y est pour beaucoup. Alors que le plaisir des deux
précédents volumes était justement de suivre la destiné de ce cosmonaute, devenant par la force des choses
sauveur de l'humanité et maître d'un Empire galactique perdu, cet épisode s'éloigne de ce principe (il faut dire que notre
héros est désormais bien placé dans son poste). Nous suivons donc essentiellement les mésaventures des deux jumeaux,
héritiers du trône de leur père, survivants d'un attentat contre leurs personnes, et se retrouvant sur une planète
oubliée, dont la technologie a régressé au niveau industriel (en gros l'époque napoléonienne, période
de l'histoire chère à l'auteur
David Weber). Les jeunes rescapés,
ruches de leur technologie avancée et la bio augmentation de leur corps, se retrouvent donc comparée à des envoyée de Dieu
(ou des démons, selon). Cette situation est très proche de celle de la saga d'
Arcturus de
Gilles Servat, et en particulier
les deux premiers volumes (
Skinn Mac Dana et
La Navigation de Myrdhinn), où un homme de l'espace (Skinn Mac Dana dans le premier,
et Myrdhinn dans le second) arrive sur une planète, et devient de par sa supériorité physique et mentale (toute deux due à
leurs origines extra-terrestre) un surhomme et un héros de légende.
Un parallèle avec une des plus grandes sagas de Science-Fiction,
Dune, de
Franck Herbert, est aussi évident, non pas en
terme d'histoire, mais de déroulement narratif. En effet, dans les deux sagas, le changement de héros est identique (le passage du
père légendaire aux enfants). Cependant, là où
Herbert nous entraînait dans une réflexion sur le
pouvoir et la notion de légende,
David Weber se cantonne à changer de
personnages pour des raisons de cohérence narrative (l'Empereur de l'Univers ne pourrait pas se retrouver dans les situations dans lesquelles
se retrouvent ses enfants). Tandis que l'un pense sa saga comme une réflexion sur des thèmes forts (la religion, le pouvoir, la notion de
légende), le second préfère une saga d'aventures et d'action, à forte connotation militaire, comme dans la totalité de
son oeuvre (le passé militaire de l'homme est évidemment une inspiration majeure pour son oeuvre). Deux visions totalement
différentes de la S-F!
Comme l'auteur n'est jamais aussi bon que lorsqu'il se lance dans des grandes descriptions militaires, avec de gigantesques batailles à
l'appui, le plaisir est total dans tous les passages guerriers, et ils sont nombreux. D'un coté nous retrouvons les combats impliquant des
armes typiquement S-F, comme nous l'avait habitué les deux précédents romans de la saga (et bien entendu toute la saga
d'
Honor Harrington du même auteur), et de l'autre coté des batailles à base de piques et de fusils préindustriels.
Dans cette dernière catégorie, on retrouve l'inspiration nette de l'auteur des guerres Napoléonienne (bien entendu du coté
anglais, tout comme la saga
Honor Harrington est une relecture avouée de la vie de l'amiral Nelson). La connaissance des héros de
l'histoire mondiale, leur permettant de prendre l'avantage sur des armées pourtant supérieures en nombre, ainsi que la divinité
apparente des héros, rappelle de façon flagrante le roman uchronique d'
Orson Scott Card,
La Rédemption de Christophe Colomb. Le lecteur attentif
pourra déceler de très nombreux points communs entre les deux récits.
Comme toujours chez
David Weber les héros ne sont pas à l'abri de la mort,
l'auteur n'hésitant que rarement à tuer des personnages à priori principaux, dans la grande tradition des films de guerre comme
le jour le plus long,
un pont trop loin, ou plus récemment dans le genre S-F
Starship Trooper ( si un film devait
être la transcription cinématographique d'un roman de
David Weber ce serait sans
aucun doute celui-ci).
Quoique inférieure à son autre grande saga, la
saga Harrington, le cycle des
Héritiers de l'Empire se laisse lire
avec un certain plaisir, l'auteur ayant un réel talent de conteur militaire.