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Les Amants étrangers


 


 
Les Amants étrangers, Folio SF

Auteur

Philip José Farmer

Genre

Science-Fiction
 

Année de sortie

1961

Résumé

En 3050, l'Amérique du Nord est dirigée par le Clergétat, ordre religieux ultra-puritain, susceptible de vous envoyer en enfer pour " irréalité" au moindre péché.
En partant en mission sur la planète Ozagen, Hal Yarrow pense avoir laissé cette société qu'il abhorre derrière lui. Mais le conditionnement subi depuis son plus jeune âge résiste à l'éloignement et rien ne semble pouvoir le briser. A moins que la belle Jeannette, mystérieuse étrangère, ne parvienne à faire tomber les derniers tabous de Yarrow ? Les amants étrangers, principalement connu pour avoir été le premier texte à aborder de front le thème de la sexualité en SF, est avant tout un magnifique plaidoyer contre l'intégrisme religieux et pour l'acceptation de la différence.


 


 

Avis

Note :
 
Lire un roman jugé scandaleux en son temps et souvent décevant, tant l'évolution des moeurs peut changer du tout au tout le regard vis à vis d'une oeuvre. Les amants étrangers, considéré comme le premier récit de Philip José Farmer, est de ce type là. En effet, au début des années 50, le jeune auteur cherche à faire éditer une nouvelle (les amants étrangers en version courte donc), mais se voit refuser son manuscrit par tous, avant enfin d'obtenir un accord de la part du magazine Startling Stories. En août 1952 la nouvelle paraît et fait scandale. Tous les lecteurs se montrent écoeurés par cet humain ayant des relations sexuelles avec un extra-terrestre. Paradoxalement, son auteur est récompensé par un Hugo (en quelques sorte les Oscars de la littérature de science-fiction). Quelques années plus tard, Philip José Farmer Les thèmes principaux du roman concernent bien évidemment la sexualité, mais aussi le racisme, le fascisme, et la religion, ce sujet ayant lui aussi été cause de refus et de polémique.
Si le sexe a toujours fait vendre (la preuve, le roman est depuis vendu pour son côté sulfureux, ce qu'un lecteur contemporain aura beaucoup de mal à trouver dans les amants étrangers), Philip José Farmer propose pourtant du jamais vu dans son histoire: Un être humain ayant des relations sexuelles (non décrites, faut-il le souligner) avec une créature extra-terrestre (et encore, celle-ci ressemble à s'y méprendre à une superbe jeune femme). Si les lecteurs (et en particulier les lecteurs américains) ont déjà du mal à imaginer des mélanges interraciaux entre blancs et noirs, il est facile d'imaginer le dégoût face à cette relation "contre nature". Mais le but de l'auteur n'est pas de faire dans le sulfureux pour le plaisir de choquer, bien au contraire, son histoire traite justement de l'acceptation de l'autre, voir des avantages (culturels ou autre) qu'une telle relation peut avoir, surtout si elle est basée sur la confiance (sur ce point là d'ailleurs, nul besoin de relation interraciale, toute relation devrait être centrée sur cette notion). Briser un tabou (et dans les Etats-Unis des années 50 c'en est indéniablement un) est presque toujours un moyen de faire évoluer les mentalités.
Aborder le problème de la religion est là aussi bien souvent épineux. La science-fiction permet l'air de ne pas y toucher de traiter du sujet, voir d'en faire une critique, plus ou moins acerbe et violente. Sur ce point les amants étrangers y va franchement. Le clergé est décrit comme totalitaire, fasciste, et absolument abrutissant pour la population, interdisant toute réflexion et toute évolution de pensée. La très forte hiérarchisation du clergé semble calquée sur le fonctionnement du catholicisme (il ne faut pas oublier que les Etats-Unis sont pour beaucoup antipapistes), et en fait une critique très violente. Le judaïsme non plus n'échappe pas à la plume de l'auteur, qui montre dans son futur déprimant un gourou juif créant une religion abêtissante, totalement dénuée de logique mais pourtant omnipotente. L'auteur n'a jamais caché son antipathie pour les juifs et plus particulièrement l'état d'Israël, qui dans le roman est présenté comme l'ennemi. Puritanisme et intégrisme sont ainsi pointés du doigt, et aux yeux de Philip José Farmer le seul moyen de s'en débarrasser passe par une action extrême (dans le roman, cela passe par un éloignement de plusieurs années lumière de la Terre, ainsi que par la mise à mort du clergé). Un sujet qui reste en tout cas toujours d'actualité 50 ans après la parution de l'histoire.
Le parallèle religieux entre les deux femmes d'Hal Yarrow est en soi intéressant. La première représente Marie, la virginale mère de dieu, tandis que la seconde, la lalitha, représente Lilith, la première femme d'Adam. Si la première est à la fois intouchable (pour cause de blocage sociologique) et inintéressante (rien de bien ne peut ressortir pour Hal de sa relation avec Mary), c'est tout le contraire de Jeannette, la lalitha, qui ouvre Hal aux sentiments, à la sensualité et à la liberté. Le rapport bien/mal est ainsi inversé par rapport aux Saintes Ecritures, ce qui est tout à fait logique lorsque l'on voit l'image que Philip José Farmer renvoie de la religion.
Si le héros de ce récite reste un être à part, supérieur par bien des points de vue à ses contemporains, il diffère grandement des héros des pulps contemporains aux amants étrangers. C'est en effet l'un des premiers héros du genre à douter, à ne pas être une sorte de surhomme affrontant les dangers de l'univers le sourire aux lèvres et la fille dans les bras.
Philip José Farmer prend aussi un autre risque littéraire: Prendre le lecteur à contre-courant en décrivant des extra-terrestres pacifistes, attachants (très attachants même, le héros ne trouvant le réconfort que dans les bras de l'une d'entre elles), et finalement plus humains et malins que les terriens. Le lecteur n'attend d'ailleurs qu'une seule chose: Voir l'humanité perdre face à ces autochtones pourtant si différents de nous, et qui plus est inférieurs technologiquement à l'humanité.
 
Si le roman a trop été vendu comme étant une expérience érotique puissante et scandaleuse, le rendant par la même décevant en comparaison à la production actuelle (il y a en effet bien plus de sexe dans un Hypérion, pourtant jamais vendu le thème du sexe), il n'en demeure pas moins un roman à lire, car très instructif, non seulement sur la pensée des américains de ces années 50, ainsi que sur l'être humain en général. Car, si le héros ne prend conscience de l'absurdité de son monde qu'après avoir traversé l'Espace et avoir atterri sur un monde nouveau, tous ceux d'entre nous qui ont vécu à l'étranger savent que le meilleur moyen de comprendre sa culture (dans le meilleur et surtout dans le pire) est de s'en éloigner, et d'aller vivre un temps au rythme d'une autre culture, fusse-t-elle proche de celle que l'on quitte.
 
Ce récit, révolutionnaire en son temps, brasse quantité de sujets brulants, et posse le lecteur à réfléchir sur lui-même et sur sa culture. La science-fiction intelligente, en plus de divertir son lecteur, sert à cela: Non pas apporter des réponses à des questions importantes, mais à tout le moins poser les bonnes questions. Et indéniablement, les amants étrangers fait réfléchir.

 


 
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