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Les Maîtres chanteurs



 
Les maîtres chanteurs, Editions Denoël, chez Présence du futur

Auteur

Orson Scott Card

 

Année de sortie

1979
 

Résumé

Mikal, le terrible conquérant devant qui tremblent les mondes, se présente un jour aux portes du palais du Chant pour supplier qu'on lui accorde la plus belle parure dont puisse rêver un monarque pour sa cour : un Oiseau-Chanteur, un de ces enfants prodiges dont la voix a le pouvoir de déchaîner ou assouvir toutes les passions. Mais quand on sait qu'un Oiseau-Chanteur doit être très précisément "accordé" à la musique spirituelle de son maître, on devine que celui qui conviendra à la personnalité guerrière de Mikal sera un être hors du commun. Et de fait, lorsque le jeune Ansset quittera les hauts murs du palais du Chant, ce sera pour répondre à l'appel d'un destin que nul, même Mikal, ne peut soupçonner, un destin glorieux et tragique, violent et cruel, qui le mènera jusqu'aux marches du trône impérial. Une saga d'une force exceptionnelle, au service d'une réflexion sur le pouvoir.


 

 


 

Avis

Note :
 
Ce roman est l'un des premiers écrits en 1978 par le très prolifique Orson Scott Card. On y retrouve déjà les principales préoccupations et sujets de prédilections qui ponctueront son oeuvre au fil des ans: l'enfant, en tant qu'être, non seulement à part, mais aussi souvent supérieur à l'adulte; l'humanisme forcené de l'auteur, qui cherche à tout prix à comprendre les gestes de chacun, y compris les gestes les plus incompréhensibles comme le meurtre, la colère, la haine,... ; le pouvoir, les choix qui en résultent et son attrait pour beaucoup; l'Amour, la religion n'étant jamais totalement absente chez Orson Scott Card, même de façon détournée.
Dans ce roman nous suivons Ansset, recueilli suite à un abandon, à l'âge de trois ans par le Palais du Chant, pour y être formé en tant qu'Oiseau Chanteur et être offert à l'Empereur de l'Univers, les Oiseaux Chanteurs pouvant de par leur Voix subjuguer et influer sur les pensées d'autrui. Ansset se révèlera être le plus extraordinaire Oiseau Chanteur jamais sorti de la Manécanterie.
Orson Scott Card nous propose dans ce roman un personnage au don exceptionnel, capable par la voix de modifier le comportement de son auditoire, comme le Jean-Baptiste Grenouille 10 ans plus tard dans et le Parfum de Patrick Suskind le ferra avec ses odeurs.
Le roman est découpé en plusieurs parties, chaque partie correspondant à une étape de la vie d'Ansset, à chaque partie étant associé le nom d'une personne proche d'Ansset, la plus représentative de cette partie de sa vie:
 
Première partie: Esste
Cette partie concerne la formation du futur maître chanteur, dans une quête initiatique chère à l'auteur (pour s'en persuader il suffit de lire La Stratégie Ender).
Le premier tiers environ du roman est dédié à la formation d'Ansset en tant qu'Oiseau Chanteur, dans la grande tradition Cardienne, c'est à dire dans la douleur et l'excellence, comme dans les futurs romans de l'auteur (La Stratégie Ender, la Stratégie de l'ombre, Le Cycle d'Alvin le Faiseur, Patience d'Imakulata, et le Cycle de la Terre des origines).
Chez Card, les héros, et en particulier lorsque ce sont des enfants, se retrouvent toujours confrontés à un dépassement de soi hors norme, ainsi qu'à des choix liés à l'honneur et au sacrifice de soi. L'Honneur, qui chez Card fait partie des qualités principales de l'être humain, tout comme dans la saga d'Honor Harrington de David Weber, même si les buts finaux sont diffèrents pour les deux auteurs, Card associant l'honneur à l'humanisme et Weber à la nécessité de survie.
Cette première partie du roman est sans doute la plus réussie, car Card arrive à nous passionner pour son roman alors qu'il ne se passe quasiment rien pendant 100 pages, la talent de conteur de l'auteur nous hypnotisant et nous donnant envie à chaque page de savoir la suite.

Seconde partie: Mikal
Dans cette partie Orson Scott Card nous montre ce pourquoi Ansset a été formé, ses années passées auprès de l'Empereur, étant ici raconté. A part la rencontre avec l'Empereur, scène centrale du roman, puisque la vie de cet enfant de 9 ans sera changé à jamais suite à cela, le reste des années passées à chanter pour l'homme le plus important de l'univers sont à peine esquivée, le roman s'intéressant plus à montrer le changement radical opéré sur l'Empereur, allant jusqu'à entraîner sa mort.
Tout comme dans la première partie, le personnage d'Ansset, personnage central de l'histoire, influence beaucoup plus son entourage qu'il ne l'est par ce dernier. L'univers glisse sur la carapace de l'Oiseau Chanteur tandis qu'il modèle celui-ci, sans avoir une once de désir de pouvoir.

Troisième partie: Josif
Transformation presque radicale dans cette partie, car on ne suit plus uniquement la vie et l'évolution d'Ansset, mais un personnage jusque là secondaire, Kyaren, et un nouveau personnage, Josif, à travers une histoire se tournant plus vers le policier et l'espionnage, comme Orson Scott Card le ferra dans son Cycle de l'Ombre 20 ans plus tard. Le roman sombre alors dans le drame, avec la découverte de l'amour physique par notre héros, qui se conclura par la mort de Josif. Il est intéressant de noter d'ailleurs que le drame se produit suite à des rapports homosexuels, l'auteur étant par ailleurs formellement opposé à l'amour entre deux personnes du même sexe. Le choix de faire basculer l'avenir du jeune Ansset suite à ses rapports avec Josif ne peut pas être anodin.

Dernière partie: Kyaren/Rruk
Le retour à la Manécanterie. On passe très vite sur les 70 ans d'Ansset au plus haut poste de l'univers, pour s'attarder sur la fin de sa vie, où Orson Scott Card appuie sur l'importance de finir sa vie sachant son oeuvre accomplie sur terre, la doctrine mormone est ici édente. Card évite cependant de tomber dans le prosélytisme, et nous offre une fin de roman bercée de mélancolie et d'amour de son prochain.
 
Même si ce roman se classe dans la catégorie science-fiction, cela ne reste qu'un décor, tout comme les plumes ne font pas l'oiseau, qu'il soit chanteur ou pas, la trame science fictionnelle ne fait pas l'histoire. L'histoire aurait aussi bien pu se dérouler dans un univers médiéval, voir même dans notre monde, à l'instar du Parfum de Suskind, dont les analogies, quoique sans aucun doute involontaires de la part de l'auteur allemand, sont grandes (le don unique capable de manipuler les foules, les meurtres - dans le cas de Grenouille inconscient de son acte de par son inhumanité, dans le cas d'Ansset lié à une induction hypnotique).
Orson Scott Card nous dévoile, avec ce roman, une vaste palette de ses préoccupations sur l'humanité, le pouvoir, l'enfance, l'honneur, et l'importance de l'art (le chant revient souvent dans l'oeuvre de Card). Un très bon roman, passionnant de bout en bout, l'énorme talent de conteur de Card faisant la différence avec le tout venant de la production littéraire.

 

 


 
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