Triste histoire que celle de cet homme qui avait à priori tout pour être heureux: Exempt de travail et d'obligations de part sa naissance (noblesse oblige), marié
à l'une des plus belles femmes de son époque, jeune, et par dessus tout en bonne santé, tout aurait pu (du) être pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Mais sa femme, nourrie d'ambition et attirée par les paillettes de la cour, se retrouve rapidement dans le lit du roi, devenant sa maîtresse officielle. Si la situation n'a
en soit rien de bien gaie, cela aurait encore une fois pu tourner à l'avantage du jeune homme, car en ce temps, pour garder une maîtresse, Louis XIV est prêt à
tout: richesses, terres, titres, possessions diverses, tout peut arriver à celui qui accepte de partager sa femme avec le Roi-Soleil. Mais malheureusement, Louis-Henri est
follement amoureux de sa femme, et n'accepte pas ce que d'aucun considèrent comme un avantage social fabuleux.
Notre héros ne saura se ranger à la raison (d'état), et sa vie durant, espérera le retour de sa femme. Rongé par la haine qu'il éprouve envers le
roi de France, Louis-Henri accumulera les provocations (allant jusqu'à faire modifier son blason familial en y rajoutant des cornes), ce qui causera pratiquement sa perte. Mais
jamais il ne changera d'avis quand à l'amour qu'il porte à sa femme, quitte à s'endetter encore et toujours plus (lui qui croule déjà sous les
dettes), pour préparer le retour d'une femme qui ne reviendra jamais.
Poignante histoire.
Jean Teulé nous raconte la lutte perdue d'avance d'un homme contre un Roi au pouvoir absolu. Une lutte qui prépare
en quelque sorte la future révolution française. Mais l'auteur évite intelligemment le happy-end (d'un autre côté, étant tiré d'une histoire
vraie, il ne pouvait pas faire autrement que se conforter aux faits), et nous démontre l'imbécilité de l'aveuglement amoureux, ainsi que de l'entêtement. Tout
en nous démontrant que la fidélité (et pas seulement celle liée au mariage) est l'une des plus grandes forces qui soient. Une belle leçon.
Afin de respecter l'Histoire,
Jean Teulé s'est beaucoup documenté (preuve à la fois ses remerciements
en fin de livre et ses dessins et croquis qui ponctuent le récit). Résultat, les grandes lignes de l'histoire sont respectées, et même si l'auteur fait
parfois preuve d'un certain lyrisme exagératif (les tares des rois et nobles d'Europe sont parfois plus comiques que réalistes), il sera difficile de lui reprocher son
approche respectueuse de l'Histoire. Tout au plus nous montre-t-il sur la fin une Mme de Montespan démoniaque, capable d'assassiner une rivale ou de sacrifier des enfants lors de
messes sataniques dans le seul but de récupérer son royal amant, là où l'Histoire (toujours elle) nous a prouvé l'innocence de la Montespan dans
l'affaire des poisons (Mme de Fontanges, la rivale de la marquise, est morte non pas suite à un empoisonnement mais d'une pleurésie), quoiqu'elle fut bel et bien
inculpée en son temps. Quand aux histoires liées aux messes noires, pour le coup, il semblerait bel et bien que le roi en personne ait décidé d'étouffer
une affaire mettant en jeu son ancienne maîtresse....
Cette mésaventure amoureuse marqua notablement son temps. A tel point que
Molière en tira l'une de ses oeuvres les plus connues:
Amphitryon.
Le Montespan a été salué par les critiques, remportant même le prix Maison de la Presse en 2008. Une récompense amplement méritée.