En 1951,
Isaac Asimov n'est pas encore l'icône incontournable de la science-fiction qu'il deviendra par la suite. Il n'en
est pas moins déjà un auteur majeur de son temps, fort du succès de ses premières nouvelles robotiques (disponibles dans le recueil
Les Robots), ainsi
bien sur que son premier roman du
cycle de Fondation. Son style, mélange de vulgarisation scientifique (bien souvent
absent de la SF moderne), de clarté narrative, et d'histoires bien plus complexes dans le fond que la forme ne le laisse supposer, est déjà présent dans
Tyrann (aussi connu sous le titre de
Poussière d'étoiles).
Et même si le roman est loin d'être parfait, nul doute n'est permis: il s'agit bel et bien d'un roman d'
Isaac Asimov.
Et pourtant son auteur a toujours considéré ce roman comme l'un de ses plus mauvais, pour ne pas dire le pire, tandis que la critique est unanime pour placer
Tyrann
parmi les romans mineurs du maître. Si l'auteur est si dur envers son oeuvre c'est essentiellement dû à son final, lorsque le héros découvre le contenu du
fameux document qu'il recherche depuis la première page du récit (et qui est clairement un
Mc Guffin). L'idée ne vient
d'ailleurs pas de lui, mais de l'éditeur de
Galaxy, le pulp pour lequel
Tyrann a été écrit, à savoir
H.L. Gold.
Asimov s'en est toujours voulu d'un point de vue littéraire d'avoir cédé à l'envie de son
éditeur, et ce même si jamais, lors de rééditions de son roman, il n'envisagea de changer la fin. Il faut dire, qu'en dehors d'être assez tirée par les
cheveux, cette fin à de quoi agacer par sa naïveté et son chauvinisme purement américain. Sans cette fin, l'histoire en aurait sans aucun doute été
plus réussie.
Si le roman est purement
asimovien, il est aussi typique de son époque. Les thèmes classiques de
l'Après-Guerre ressortent clairement du roman, à savoir la peur de l'atome, les voyages d'exploration dans l'espace, les envahisseurs extra-terrestres, et les personnages
jeunes, nobles et héroïques.
L'atome et ses conséquences désatreuses sur l'homme et son environnement est sans doute LE sujet le plus abordé dans la science-fiction américaine post Hiroshima, que
ce soit dans la littérature (
Je suis une légende de
Richard Matheson, presque toute l'oeuvre de
Philip K. Dick) ou au cinéma (entre le
Docteur Folamour de
Stanley Kubrick et tous les monstres géants
crées suite aux radiations atomiques, comme dans le classique
Des monstres attaquent la ville le spectateur est servi). S'il est aisé de comprendre pourquoi les
japonais furent traumatisés par l'arme atomique, il est à priori plus difficile d'envisager la logique ayant mené le peuple américain à cette terreur vis
à vis de la bombe. Mais en fait si l'on se me dans l'esprit des américains, se disant que eux, les gentils, ont utilisés l'arme ultime, rien n'empêchera les
méchants (les russes à l'époque) de faire de même. Et pourtant, l'histoire fera des Etats-Unis le seul pays à avoir utilisé la bombe atomique contre
un autre état. Et la science-fiction, miroir des craintes de la société, de faire de ce thème l'un de ses principaux sujets.
Tyrann, dans son premier
acte, l'aborde clairement, en décrivant la Terre comme un territoire dangereux à l'extrême pour l'homme, qui se voit obligé de vivre sous protection permanente,
sous peine de se voir contaminé.
Mais l'histoire de
Tyrann de très vite s'éloigner de la peur atomique, pour aborder un autre thème majeur de la science-fiction, celui-ci plus optimiste (et donc
bien plus
asimovien: l'exploration spatiale. L'auteur en fera une saga complète,
le Cycle de David Starr (entre
1952 et 1957). Découvrir de nouveaux territoires, explorer l'univers, voilà de quoi rêve
Isaac Asimov
(d'ailleurs, lui qui a toujours refusé d'écrire des novélisations, n'acceptera qu'une seule commande,
Le voyage fantastique, qui n'est rien d'autre que l'exploration
non plus de l'infiniment grand, mais de l'infiniment petit). Cela permet en plus à l'auteur d'y glisser quelques notions scientifiques (sur les distances spatiales, sur les
moyens de d'orienter dans l'univers, sur les voyages spatiaux,...); car même si
Isaac Asimov oeuvre dans le monde de la
science-fiction, il est avant tout un esprit scientifique, et il est hors de question pour lui de parler de voyages plus rapides que la lumière sans au moins lui donner un vernis
scientifique. De ce point de vue là,
Asimov cherchera toujours à ne pas trahir la science dans ses romans, et
lorsqu'il devait le faire, de toujours l'expliquer.
Autre thème type de la SF des années 50: l'invasion extra-terrestre. Si dans
Tyrann les envahisseurs sont humains, ils sont toutefois décrits comme
légèrement différents des humains normaux: plus petits, plus tordus, et dénués d'humour. Là encore, il faut y voir la peur de l'autre. Les russes,
comme toujours, car même s'ils sont dirigé par un Khan, et donc un "mongol", les tyrannis ressemblant étrangement à l'image que l'américain moyen se fait
du russe. Et
Isaac Asimov est bien placé pour le savoir, lui qui était d'origine russe. Mais la politique des
Etats-Unis n'intéressait que très peu l'auteur, qui croyait en l'homme au dessus des pays, pour preuve, dans
Tyrann le conflit entre tyrannis et héros se
réglera "à l'amiable", c'est à dire sans effusion de sang.
Par contre là où le roman
Tyrann pêche, c'est du côté de son héros, par trop caricatural et typique de cette époque. Jeune, beau,
fort, intelligent (les personnages chez
Asimov sont presque toujours très intelligents), Biron Farrill est trop lisse et
parfait pour véritablement faire la différence. Mais, à l'époque où est sorti
Tyrann? Il était bien difficile de sortir des sentiers
battus, en tout cas du point de vue des personnages. De même, on retrouve la princesse, amoureuse du héros là où à priori tout devrait les opposer, et le
scientifique aidant notre héros. Mais que le lecteur ne s'y trompe pas,
Asimov aimait ce genre de personnages, preuve en
est un roman comme
Prélude à Fondation, écrit en 1988, à une époque où il
était tout à fait accepté de mettre en scène des héros loin de l'archétype des années 50 (il faut dire que
Philip K. Dick était passé par là, avec ses héros au mieux banals, et bien souvent difformes et
dérangés psychiquement).
se présente comme un roman de science-fiction à l'ancienne, typique de l'Age d'Or de la SF, avec tout ce que cela implique comme qualités et
défauts, il n'en reste pas moins un roman purement
, plaisant à lire, et très divertissant. Ce roman
peut se lire indépendamment des autres récits de l'auteur, qui n'avait au moment de sa rédaction aucune intention de le relier avec
. Cela lui est venu plus tard,
vers 1953, avec