Fred Vargas, auteure à succès, propose au lecteur avec ce
pars vite et reviens tard un roman riche, mélange subtil de policier, de comédie (ou drame) de moeurs, ainsi que d'histoire de
France.
Le style de l'écrivain, qui fait sa force par rapport à ses concurrents, peut parfois être vu comme ampoulé, plus proche de la
littérature générale (mainstream en anglais), et donc par définition peu propice au genre, qui demande une concision et une
fluidité souvent incompatible avec un style littéraire plus riche. Cependant, dans le cas de ce roman, en dehors des deux ou trois premiers
chapitres qui peuvent donner une impression de lourdeur, le style s'avère très rapidement être suffisamment concis pour ne pas perdre
de vue le but premier du genre: l'efficacité. De ce point de vue là, aucun doute, l'auteure maitrise son sujet, avec ce qu'il faut de
rebondissements et de suspens pour maintenir en haleine le lecteur pendant les 350 pages du roman.
Il faut dire qu'elle utilise à fort bon escient ses connaissances d'historienne pour créer de toutes pièces une trame originale et
bien ficelée, dont il sera difficile de deviner les tenants et aboutissants avant les dernières pages.
Roman résolument mélancolique,
Pars vite et reviens tard arrive à nous faire aimer ses personnages, y compris les mauvais
bougres, qui, chose rare dans les romans policiers, ont une vraie consistance humaine, avec leurs défauts et leurs qualités. Pratiquement
tous les personnages du roman sont des freaks, usés par la vie, en déphasage avec l'image que l'on se fait habituellement de héros
de romans. A moins que justement, cela ne fasse pas d'eux des monstres, mais des êtres humains, sensibles, bêtes parfois, mais toujours
crédibles. Et ce malgré l'oeil amusé de l'auteur, qui joue avec leur candeur, leur animosité et les petits tracas. La
force du roman est de savoir s'intéresser à tous les personnages, et pas seulement les trois ou quatre premiers rôles. Même si
parfois on frise la caricature, on se sent toujours en présence de personnages consistants, et pas seulement d'enveloppes creuses présentes
là uniquement pour satisfaire les besoins de l'avancement du roman. Bref,
Fred Vargas
nous propose en plus une tranche de vie, d'une certaine tranche de la population française, celle qui a du mal à vivre avec ses
problèmes. N'est-ce pas finalement la plus grande partie de la population?
En se focalisant sur une vie de quartier parisien, vie de quartier qui existe de moins en moins dans une capitale déshumanisée par le rythme
imposé par la société, l'auteur arrive à nous faire retrouver l'ambiance propre au vieux (et très bon) roman policier
français, symbolisé par des auteurs comme
Simenon, ce qui fait vraiment du bien. Ou comment faire du neuf avec du vieux!
Fred Vargas arrive à s'éloigner du style américain, qui s'impose même
auprès des auteurs français (
Maxime Chattam par exemple), pour le plus
grand plaisir du lecteur.