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La Loi du silence


 
Affiche du film

 


 

Titre original

I confess

Synopsis

Revêtu d'une soutane, Otto Keller, sacristain dans une petite paroisse du Québec, a assassiné l'avocat Villette pour le voler. Le soir-même, Keller confesse son crime au père Logan, le curé de la paroisse. L'inspecteur Larrue dirige l'enquête.

Genre

Thriller

Année de production

1953

U.S.A.

Date de sortie en France

24 juin 1953

Réalisateur


Musique

Dimitri Tiomkin

Casting

Acteur
Photo
Rôle
Montgomery Clift
Montgomery Clift Frére Michael William Logan
Anne Baxter
Anne Baxter Ruth Grandfort
Karl Malden
Karl Malden Inspecteur Larrue
O.E. Hasse
O.E. Hasse Otto Keller
Brian Aherne
Brian Aherne Willy Robertson
Roger Dann
Roger Dann Pierre Grandfort
Dolly Haas
Dolly Haas Alma Keller
Alfred Hitchcock L'homme traversant l'escalier

 

 


 

Nominations

Festival de Cannes Festival de Cannes
catégorie
Année
Gagnant
Grand prix1953Alfred Hitchcock

 

 

Critique du Film

Note :
 

 
La loi du Silence, d'Alfred Hitchcock

 
L'habit ne fait pas le moine

 
Un prêtre ayant reçu un meurtrier en confession se laisserait-t-il accuser et juger pour un crime qu'il n'a pas commis? C'est la question que pose la loi du silence, d'Alfred Hitchcock. Il faut du talent pour arriver à écrire une histoire crédible (en tout cas autant que peut l'être un thriller) sur ce sujet. Et encore plus pour y ajouter la dose de suspens qui fera d'une histoire intéressante une histoire inoubliable. Alfred Hitchcock, qui a toujours su aller chercher le talent là où il le fallait, n'a pas fait exception pour ce film, le scénario étant un petit bijou dans le genre.
On retrouve, comme bien souvent chez le cinéaste britannique, une histoire mettant en scène un faux coupable, poursuivi par une police souvent totalement dépassée par les événements (quoiqu'ici, même si l'enquêteur principal se trompe de coupable, il n'en reste pas moins l'un des inspecteurs les plus intelligents de toute la filmographie du maître). De plus, encore une fois chez Hitchcock, le coupable est connu dès le début du film. L'intérêt n'est donc pas de savoir qui a fait le coup, mais bien comment toute cette histoire va se démêler. Ce principe est bien plus malin, car rares sont les films de type whodunit qui peuvent se revoir une fois l'identité du coupable connu (exception faite de quelques grandes réussites du genre, type Mort sur le Nil).
 
 La loi du silence, d'Alfred Hitchcock

 
La loi du silence est véritablement un film typiquement hitchcockien, et d'un certain point de vue l'un de ses plus personnels. En effet, le concept de film est extrêmement emprunt de catholicisme, puisqu'il est centré autours de la lutte entre les obligations liées au statut de prêtre (le secret de la confession), les obligations de citoyen (le devoir de dénoncer un assassin), et les propres secrets du héros (sa relation avec une femme mariée, et le rapport ambigüe qu'il avait avec la victime). Or, lorsque l'on sait que le cinéaste avait reçu une éducation jésuite, et qu'il était un catholique convaincu, on voit qu'un tel sujet était on ne peu plus personnel.
Malgré son désir de ne surtout pas se fâcher avec les instances religieuses, le scénario initial était tout de même très osé, puisque notre héros devait être père d'un enfant conçu avec le Ruth (Anne Baxter); enfant conçu en dehors du mariage donc, et qui plus est avec une femme maintenant mariée. Inacceptable, en tout cas pour l'époque. Le second point concerne la fin du film, où notre prêtre devait finir condamné par la justice, et pendu, alors même qu'il était innocent du crime qui lui était reproché (mais la justice ne s'en refait compte que trop tard). Là aussi, il était difficilement acceptable d'envisager une telle fin.
Totalement conscient des problèmes liés à son histoire, Alfred Hitchcock a travaillé dès les premières versions du script avec le comité de censure, dont le principal acteur était lui aussi d'éducation jésuite, afin que son film puisse voir le jour, tout en restant d'une qualité satisfaisante.
Ce fut chose faite, après maintes discussions, pouvant aller jusqu'à la façon dont le héros allait regarder le vrai coupable, étant acquis qu'il ne devait en aucun cas montrer qu'il sait, en tout cas devant témoins. Tout le passage du procès, en particulier, a posé problème à cause de cela.
 
La loi du silence, d'Alfred Hitchcock

 
Il est bien connu que le rapport entre Alfred Hitchcock et ses acteurs était souvent difficile. Le cinéaste avait une vision bien à lui sur la façon de faire un film, et dans sa vision, les acteurs n'étaient pas les stars, ils n'étaient qu'un maillon de la chaîne, au même titre que la caméra (enfin, en fait un petit peu moins importants que la caméra), ou que les techniciens. Cela explique pourquoi tant de stars ayant travaillé avec Hitchcock, souvent habitués à être traités comme des rois, aient mal supportés leur collaboration avec le cinéaste. Montgomery Clift fait partie de ces acteurs ayant eu une mauvaise expérience de tournage. Montgomery Clift, dont c'était ici l'un des tous premiers rôles, faisait en effet partie de cette vague d'acteur, formés à l'Actor Studio (il en était l'un des tous premiers représentants) pour qui un rôle n'est pas qu'une suite de scènes tournées devant une caméra; un personnage se doit d'être crédible, et l'acteur cherche à rentrer totalement dans la peau de son rôle. Ainsi, lorsqu'Hitchcock demande à son acteur de lever les yeux au ciel, celui-ci veut avoir une explication logique à ce geste (pourquoi mon personnage lève-t-il les yeux à ce moment précis?). Et le maître de lui donner pour seule réponse qu'il en a besoin pour le montage. Difficile de faire coïncider les deux visions du cinéma. Cela n'empêche pourtant pas Montgomery Clift de fournir un travail de très grande qualité, faisant passer au travers de son regard une foule de sentiments, comme peu savent le faire. Paradoxalement, alors que les deux hommes ont une vision presque totalement opposée du cinéma, ce film fait de Montgomery Clift l'un des plus hitchcockiens de tous les acteurs ayant travaillé pour le maître. On appelle cela le talent!
Un autre grand nom du cinéma apparaît dans ce film, il s'agit de Karl Malden, alors au début de sa carrière. Le futur héros de la série les rues de San Francisco incarne l'un des rares policiers malins (avec celui joué par John Williams -l'acteur, pas le compositeur- dans le crime était presque parfait) de toute la carrière du cinéaste. Celui-ci a toujours eu un rapport bien particulier avec la police, du à une expérience malheureuse (et mystérieuse) avec les forces de l'ordre dans sa jeunesse.
 
 La loi du silence, d'Alfred Hitchcock

 
Ce film n'a pas connu le succès attendu lors de sa sortie. Une partie de son échec est du justement à son rapport à la religion, et ce malgré toute l'attention qu'à porté le cinéaste sur le sujet. Entre une partie de la population choquée (ou gênée) que l'on puisse soit accuser un prêtre, soit qu'un prêtre puisse avoir une vie amoureuse, et une autre partie ne voulant pas voir un film traitant de religion, le cinéaste a encore une fois fait face aux inhibitions de son époque. Un critique a même écrit à l'époque que ce film ne pouvait intéresser qu'un catholique convaincu, les autres ne pouvant croire une seconde à l'histoire d'un prêtre risquant sa vie pour ne pas compromettre ses voeux concernant le secret la confession.
De nos jours, ces positions bornées ayant changés, le film retrouve ses vrais qualités, et le public peut désormais se rendre compte à quel point Hitchcock était en avance su son temps, d'un point de vue culturel et surtout cinématographique.
De plus, il est intéressant de voir que son héros, malgré sa soutane, n'échappe au lynchage que de peu, tout comme Ivor Novello n'échappait à au même châtiment dans Les cheveux d'or, quelques 20 ans plus tôt. Dans les deux cas, ce n'est pas la justice qui parle, mais bien la soif de vengeance, le premier coupable trouvé faisant absolument l'affaire. Une façon bien pessimiste de voir l'humanité.
   
 
 


 

Conclusion

Film relativement méconnu de la longue filmographie du maître du suspens Alfred Hitchcock, la loi du silence a connu lors de sa sortie son lot de critiques négatives. Pourtant, ce film, qui met en scène un Montgomery Clift très en forme (dans l'un de ses tous premiers rôles), possède tous les ingrédients d'un pur film hitchcockien: un faux coupable, un suspens prenant, des gens de bonne société (tout comme chez Agatha Christie), et une maitrise de la caméra inégalable.
Inférieur à un Psychose ou un fenêtre sur cour, la loi du silence n'en reste pas moins un très bon film, au sujet original et très bien traité.

 

 
I confess, d'Alfred Hitchcock

 

 


 
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