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La Fiancée de Frankenstein

Affiche du film


Titre original

Bride of Frankenstein

Synopsis

La Fiancée de Frankenstein : Le Dr Frankenstein et sa créature ont survécu. Un savant fou, le Dr Pretorius, kidnappe la femme du Dr Frankenstein, et l'oblige à tenter de nouveau l'horrible expérience, dans le but cette fois de créer un monstre féminin...

Genre

Epouvante

Année de production

1935

U.S.A.

Date de sortie en France

1935

Réalisateur

James Whale

Musique

Franz Waxman

Casting

Acteur
Photo
Rôle
Boris Karloff
Boris Karloff La créature
Colin Clive
Colin Clive Henry Frankenstein
Valerie Hobson
Valerie Hobson Elizabeth
Ernest Thesiger
Ernest Thesiger Dr. Pretorius
Elsa Lanchester
Elsa Lanchester Mary Wollstonecraft Shelley / la fiancée de la créature
Gavin Gordon
 Gavin Gordon Lord Byron
Douglas Walton
Douglas Walton Percy Shelley
Una O'Connor
Una O'Connor Minnie / la bonne
O.P. Heggie
O.P. Heggie l'hermite
Lucien Prival
Lucien Prival Albert
E.E. Clive
E.E. Clive Le bourgmaîstre
Dwight Frye
Dwight Frye Karl
Marilyn Harris
Marilyn Harris Une fille
Walter Brennan
Walter Brennan un voisin
John Carradine
John Carradine Un chasseur


Nominations

Oscar Oscars
catégorie
Année
Film
meilleur son1936Gilbert Kurland

 

 


Critique du Film

Note :

La voix du mort

Suite au succès phénoménal de Frankenstein, le studio supplie le réalisateur James Whale de tourner une suite à son chef d'oeuvre. Mais ce dernier estime avoir fait le tour du sujet et préfère passer à autre chose (ce sera l'homme invisible, un autre chef d'oeuvre du genre). Mais le producteur Carl Laemmle, Jr n'abandonne pas l'idée, considérant que personne d'autre que Whale ne peut s'atteler à la suite de Frankenstein (suite qui s'appellera pendant un temps le retour de Frankenstein). Finalement, devant la pression du studio, l'attente du public et la possibilité d'avoir une liberté artistique totale, le cinéaste accepte de faire revivre sa créature. Pour ce qui est de la liberté artistique, l'absence prolongée de Carl Laemmle, Jr (en Europe à ce moment là) joua pour beaucoup.

Colin Clive et Elsa Lanchester dans la fiancée de Frankenstein, de James Whale

James Whale fait donc appel à tout ou partie de ses habituels collaborateurs, aussi bien devant que derrière la caméra. Et en particulier les deux acteurs principaux, Colin Clive qui reprend son rôle de baron Frankenstein, et bien évidemment Boris Karloff dans celui de la créature (l'acteur gagne un nom par rapport aux crédits du premier film, mais pas encore un prénom). Mae Clarke, qui jouait la fiancée du professeur Frankenstein dans le premier film, ne put participer à la suite, à cause de problèmes de santé, et fut donc remplacée par une jeune fille de 17 ans, Valerie Hobson. Visiblement, la différence d'âge ne gêna personne (Colin Clive était de 18 ans son ainé).
Le réalisateur retrouve aussi quelques acteurs de seconds rôles qu'il apprécie tout particulièrement, comme l'actrice Una O'Connor et les acteurs E.E. Clive et Dwight Frye (à qui l'on confie un nouveau personnage, suite à la disparition de celui qu'il tenait dans le premier opus).
De nouveaux venus font leur apparition. Tout d'abord, le diabolique Dr. Pretorius. Plusieurs acteurs furent pressentis avant que le rôle ne soit finalement confié à Ernest Thesiger, un proche du réalisateur James Whale (ils sont amis depuis 1919). Sur la liste des prétendants, nous retrouvons Béla Lugosi et Claude Rains (qui ne put se rendre disponible, car il tournait à ce moment le mystère d'Edwin Drood), que le cinéaste avait auparavant dirigé dans l'homme invisible.

Elsa Lanchester et Boris Karloff dans La  fiancée de Frankenstein, de James Whale

Enfin, personnage central s'il en est, la fiancé de la créature, qui donne son nom au film. Indiqué par un '?' dans le générique (comme Boris Karloff dans l'original) c'est l'actrice Elsa Lanchester qui hérite du rôle (double rôle en fait puisqu'elle incarne aussi Mary Shelley, l'auteur du roman dont est tiré le film). Le rôle fut avant cela proposé à d'autres actrices, telles que Brigitte Helm (qui ne désirait pas quitter son Allemagne natale) ou Louise Brooks.
Tout comme Boris Karloff était rentré au panthéon des monstres du cinéma avec Frankenstein, Elsa Lanchester allait faire de même avec la fiancée de Frankenstein. Même si son nom est devenu moins mythique que celui de son homologue masculin, le personnage qu'elle campe quand à lui est resté ancré dans l'imagerie populaire, et cela en n'apparaissant que lors des cinq dernières minutes du film. Son personnage est aussi le seul monstre parmi les "classiques d'Universal" à n'avoir aucun meurtre à son actif. La fiancée est presque plus pathétique que son promis, pourtant très marqué par le destin et le pathos.
D'ailleurs, en ce qui concerne la Créature, un changement majeur dans ce film a relancé l'intérêt du sujet: la parole. Alors que Boris Karloff était contre faire parler le monstre, le cinéaste y voyait (à juste titre) l'évolution normale et logique et du personnage et paradoxalement du drame de la créature. Les rares morts prononcés par Karloff dans le film sont tous marqués par le poids d'un destin qui ne peut être que malheureux. Le monstre transcende son aura dans ce film et devient un personnage presque Shakespearien (son sacrifice à la fin du film semble comme un écho de l'amour impossible de Roméo et Juliette, la société ne pouvant pas ne serait-ce que permettre que la Créature puisse aimer, ne serait-ce que quelqu'un comme lui).

Elsa Lanchester est la fiancée de Frankenstein, dans le film éponyle de James Whale

Le film de James Whale, s'il ne connut pas le poids du studio quand à sa direction artistique, souffrit cependant de la censure, très; présente en cette époque, et ce pas seulement aux Etats-Unis, puisque le film se vit tout simplement interdire en Hongrie et en Palestine, et coupé dans de nombreux autres pays. Aux Etats-Unis, par exemple, on reprocha au cinéaste de montrer, au tout début du film, un décolleté trop plongeant (celui d'Elsa Lanchester, angélique dans le rôle de Mary Shelley). Que l'homme se prenne pour dieu déplut aussi beaucoup à la censure, et des coupes allant dans ce sens furent demandées (il en fut exactement de même pour Frankenstein). On jugea aussi le film de nécrophile, puisque parlant ouvertement d'amour avec des morts (quoique faut-il nuancer, uniquement entre morts). Pourtant, ce que recherche la créature, ce n'est pas le sexe, mais uniquement un (ou une) ami(e). Enfin, les nombreux sous-entendus homosexuels furent aussi mal perçus par la critique.
S'il est à priori difficile de voir aujourd'hui en quoi le film prône l'homosexualité, à une époque où des films traitant ouvertement du sujet obtiennent des Oscars (le secret de Brokeback Mountain, pour ne citer que le plus connu), en cette première moitié de XXème siècle il n'en allait pas autant. La moindre allusion discrète pouvait être considérée comme une véritable déclaration, une sorte de coming out par média interposé. Hors, James Whale n'a jamais caché son homosexualité, et même s'il se défendait d'en faire l'apologie dans ses films, il est vrai que les allusions, et en particulier dans la fiancée de Frankenstein (pour lequel il avait liberté totale, faut-il le rappeler) sont courantes dans ses films. Ainsi, le Dr Pretorius apparait-il comme l'archétype de l'homosexuel (de l'époque), raffiné, intelligent, ironique, et provocateur. Que son acteur, Ernest Thesiger, soit réputé gay (tout comme l'acteur Colin Clive avait la réputation d'être bisexuel) joue en la faveur d'une homosexualité sous-jacente au personnage. D'ailleurs, l'une de ses remarques clés du film, qu'il fait au Professeur Frankenstein, est très ambigüe: "Be fruitful and multiply.' Let us obey the Biblical injunction: you of course, have the choice of natural means; but as for me, I am afraid that there is no course open to me but the scientific way" (ce qui pourrait se traduire par "Soyez féconds et multipliez-vous! Obéissons à l'injonction divine: Vous, bien sur, avez le choix de la méthode naturelle: mais pour moi, j'ai bien peur qu'il n'y ait que la façon scientifique". Le fait que tout au long du film, ce même professeur Pretorius cherche à éloigner le docteur Frankenstein de sa fiancée afin de l'entrainer dans des expériences que la bienséance interdit est un indice supplémentaire.
Cela nous emmène au sujet épineux de la religion. En plus de chercher à tromper dieu en créant un vie à partir des morts, le film nous montre à divers moments la créature face aux symboles religieux, le point culminant étant bien entendu sa mise en croix (qui à priori a échappé à la censure). Mais on pourrait aussi voir dans la Créature et sa fiancée un parallèle avec Adam et Eve, tous quatre étant les premiers de leur race (avec cependant une fin plus tragique dans le cas des deux monstres).

Elsa Lanchester dans la fiancée de Frankenstein, par James Whale

Et l'histoire dans tout cela? Elle commence exactement là où s'arrête celle de Frankenstein, c'est à dire avec le moulin en flammes, où se cache la créature. Mais, contrairement à ce que laissait supposer Frankenstein, la créature survit. Et, après s'être vengé du responsable (le père de la petite Maria), la créature s'en va se cacher dans la forêt, où elle fait la rencontre d'un homme pour qui son apparence n'est pas un problème: un aveugle. Celui-ci apprendra à la créature et le sens de l'amitié et à parler. Mais des chasseurs viendront mettre fin à ce court moment de bonheur. Parallèlement à cela, le professeur Frankenstein voit arriver le docteur Pretorius, un scientifique qui comme lui a cherché à créer la vie. Il a réussi en partie, créant de minuscules homoncules ayant tout de l'humain, si ce n'est la taille. Seul le professeur Frankenstein, qui a abandonné ses travaux, est capable de l'aider. Pretorius forcera Frankenstein a se replonger dans ses travaux, en attirant à lui la créature, lui promettant de lui donner une femme, puis en enlevant la fiancée du professeur Frankenstein. Forcé, le docteur Frankenstein créé une femme pour la Créature, et lui donne la vie, de la même façon qu'il le fit pour sa première création. La Créature, ravie, cherche à se rapprocher de sa promise, qui hurle de terreur en le voyant. Terriblement déçu, la créature préfère se donner la mort, ainsi qu'à sa belle, pour échapper définitivement à ce destin si cruel. Comme nous le rappelle le début du film, tout cela n'est qu'une histoire, mais le sens profond est bel et bien universel: de la beauté peut sortir l'horreur, tandis que de la laideur peut bien souvent exister une beauté cachée aussi importante -voire plus- que la beauté extérieure.

James Whale et Ernest Thesiger sur le tournage de la fiancée de Frankenstein

James Whale reprend donc les thèmes du premier film, sans jamais les trahir (ce que font malheureusement la majorité des suites), et explore de nouvelles facettes de ses personnages, dont certaines non exploitées déjà présentes dans le roman de Mary Shelley, comme l'amitié avec l'aveugle, un monstre doué de la parole, ou bien encore la fiancée monstrueuse (dans le roman, c'est la créature qui demande à Frankenstein de lui créer une femme).
Le personnage de la créature, déjà mythifié avec le premier film, gagne encore ici en aura, atteignant une notoriété telle que plus de 70 ans plus tard, aucun cinéphile n'a oublié l'interprétation et l'apparence du monstre pathétique incarné par Boris Karloff.
D'aucuns considèrent d'ailleurs ce film comme meilleur que l'original, faisant de cette suite l'une des rares réussites du genre pourtant ultra codifié et cloisonné de la suite, que les américains résument parfaitement sous l'expression de "bigger & better". Bigger, avec une suite ayant couté 400 000 $ (pour un budget d'environ 290 000 $ pour Frankenstein). Better, avec deux monstres pour le prix d'un. Et quels monstres!
Comme son grand frère, la fiancée de Frankenstein connut et des remakes (la promise, de Franc Roddam, en 1985) et des parodies (Frankenstein Junior, de Mel Brooks, en 1974), prouvant l'importance de ce film dans l'imagerie collective (combien de suites ont-elles connues un remake dans l'histoire du cinéma? Très peu).

   
 


Conclusion

James Whale offre à son propre Frankenstein une suite de très grande qualité, que nombres de cinéphiles considèrent comme meilleur que le premier, et ce malgré quelques choix artistiques discutables (l'humour parfois trop forcé, en particulier lié au personnage campé par Una O'Connor).
Les années 30 auront été de glorieuses années pour James Whale, qui offrit au monde pas moins de trois chefs d'oeuvre encore aujourd'hui considérés comme des références: Frankenstein (1931), l'homme invisible (1933) et la fiancée de Frankenstein (1935). Si cette période est maintenant considérée comme l'âge d'or du cinéma d'épouvante c'est en grande partie grâce à James Whale, et à ses deux interprètes: Boris Karloff et Elsa Lanchester.

Est-il possible de faire un film sur un personnage n'apparaissant que cinq minutes à l'écran? La fiancée de Frankenstein en est la preuve.

la fiancée de Frankenstein: Elsa Lanchester


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